Norfolk Southern : Ils tueraient pour chaque centime09/03/20232023Brèves/static/common/img/contenu-min.jpg

Brève

Norfolk Southern

Ils tueraient pour chaque centime

Le 3 février dernier, un train de la compagnie américaine de chemins de fer Norfolk Southern a déraillé à East Palestine, Ohio. Il contenait plusieurs tonnes de divers produits chimiques hautement toxique et a brûlé pendant cinq jours.

L’accident aurait été causé par une défaillance des freins. Le train qui a déraillé contenait du chlorure de vinyle, un agent cancérigène, qui se décompose par combustion en phosgène et en chlorure d’hydrogène. À savoir : le phosgène est un gaz toxique qui a été utilisé comme arme chimique pendant la première guerre mondiale et qui y a été responsable de 100 000 morts (80% des morts par arme chimique sur la totalité de la Grande Guerre). Quant au chlorure d’hydrogène, il donne de l’acide chlorhydrique (l’acide courant le plus puissant) au contact de la vapeur d’eau. La carcasse du train a brûlé plusieurs jours durant.

Les 5000 habitants de la ville d’East Palestine ont été évacués, et toute une partie des habitants de la région sont partis de leur propre initiative. Trois jours après l’accident, la compagnie et les autorités ont décidé d’accélérer artificiellement la libération des produits chimiques en combustion, officiellement pour éviter une explosion, mais officieusement pour libérer plus rapidement les voies. Une semaine après, elles assuraient aux riverains qu’il n’y avait plus de danger et qu’ils pouvaient rentrer chez eux. Quant à Norfolk Southern, l’entreprise a commencé à distribuer des chèques de 1000$ aux habitants pour réparation. Ce qui ne fait pas très cher, pour une entreprise qui pèse 54 milliards de dollars en bourse, administre 34 600 km de rails (sans compter les dépôts et voies de garage) dans 22 états, et a fait presque 13 milliards de dollars de bénéfice en 2022. Entreprise qui est déjà responsable d’un déraillement en Caroline du Sud en 2005, qui a déversé du fioul et du chlore dans le réseau hydrologique de la région et fait 9 morts. La dépollution lui avait à l’époque coûté 26 millions, c’est-à-dire un quatre-centième de son chiffre d’affaires de 2009.

Alors, un accident malheureux et une gestion de crise maladroite ? Précisons tout de même que Norfolk Southern a dépensé 1,8 millions de dollars en frais de lobbying officiels l’an passé, pour demander entre autres l’assouplissement des normes sur les freins, sur la longueur maximale des trains, et sur les trains dits « à haut-risque ». De plus, les travailleurs de la compagnie étaient en sous-effectif depuis des années, comme tous les travailleurs du secteur ferroviaire aux États-Unis, dont 22% ont été licenciés rien que depuis 2017. Les autorités de l’État œuvrent la main dans la main avec Norfolk Southern… pour étouffer l’affaire : un journaliste a été arrêté dans une conférence de presse du gouverneur par les gardes nationales d’Ohio. Ce que les pontes veulent, c’est que les habitants rentrent chez eux avec leurs 1000$, et qu’ils se taisent : après tout, ce ne sont que des campagnards du Midwest, et aux États-Unis ce qui se passe en dehors des grandes villes compte pour du beurre.

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