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Engager un bras de fer avec les capitalistes

Courrier de lOuest : Engager un bras de fer avec les capitalistes
Engager un bras de fer avec les capitalistes

Le Courrier de l'Ouest Philippe RUBION et Yves TRÉCA-DURAND Publié le 10/06/2021 à 20h40

Le candidat écologiste propose l’entrée de la région dans le capital des Chantiers navals de l’Atlantique. Vous qui y travaillez, qu’en pensez-vous ?

« Encore une fois, la seule solution qui est proposée, c’est de confier de l’argent public à des entreprises privées. Le prétexte invoqué, c’est qu’en agissant ainsi il y aura peut-être des répercussions positives pour l’activité économique et, en dernier ressort, pour les salariés et la population. En fait, il n’en est rien. Les chantiers n’ont absolument pas besoin de cet argent. Le carnet de commandes est plein et les affaires tournent confortablement pour la direction. Les 20 millions d’euros seraient utiles à bien autre chose ».

En matière d’emploi, que proposez-vous ?

« Ce n’est pas en tant qu’élu que je pourrai régler le problème du chômage. Je pense que c’est en tant que travailleur et militant, en faisant partie d’une classe sociale qui a un poids et une force ; c’est en agissant avec nos propres armes, qui ne sont pas celles du conseil régional qu’on sera capables d’imposer des mesures favorables à l’emploi. Il y a des besoins qui sont évidents ».

Par exemple ?

« La santé, déjà. Ça a été éclairant la période qu’on a vécue. Le personnel hospitalier s’est battu bien avant la pandémie pour tirer la sonnette d’alarme, dire que l’hôpital n’était pas à même de mener ses missions. Et on l’a vu. Il y avait besoin de bras, de lits, des choses qui ont été détruites. Il faut embaucher massivement dans les services publics nécessaires à la population, dans les hôpitaux, à la SNCF. Et dans les entreprises, on crève du boulot qui est trop intense. Pour financer ça, il faudrait engager un bras de fer, faire peur aux capitalistes qui tirent profit de la situation, leur imposer de prendre sur leurs profits pour embaucher ».

À l’échelon régional, il n’y a pas de levier à actionner ?

« Je ne crois pas, ou très peu. Ce n’est pas avec le budget de la région qu’on va régler le problème ».

Le projet de plateforme Amazon en Loire-Atlantique, vous êtes pour ou contre ?

« Je vais peut-être me distinguer, mais il y a tout un discours nationaliste – c’est facile de dire du mal d’Amazon – pour favoriser les industriels tricolores. Amazon se comporte d’une manière dégueulasse avec ses salariés, le management est très dur et les salaires très faibles mais il fait comme tous les capitalistes, quels qu’ils soient ».

Donc…

« Je suis pour que le monde du travail se défende. La seule règle que les dirigeants connaissent, c’est la loi du marché. C’est ça qui nous pousse à l’absurdité. La porte de sortie, c’est que la population qui est au travail contrôle demain l’économie, qu’on sorte de ce système qui nous fait marcher sur la tête. »

On imagine que vous n’êtes pas favorable à l’ouverture des TER à la concurrence ?

« Non, évidemment, je voterai contre. Donner ce service-là en gestion à des groupes privés, ça va être encore pire. Il n’y aura pas plus d’argent et il faudra rémunérer les actionnaires. La plupart de ceux qui se présentent aux élections régionales, les têtes de listes, ce ne sont pas des lapins de six semaines. Ils ont été des responsables politiques d’envergure nationale, certains ont même été ministres. La politique qui a réduit les moyens du train, ils sont complices de ça. Et aujourd’hui, ils en sont à se bagarrer pour quelques mesurettes ».

L’union avec d’autres candidats de gauche, c’est donc illusoire ?

« Oui, vous l’avez bien compris. »

Les Insoumis ont bien réussi à trouver un terrain d’entente…

« Bah oui, mais pour faire quelle politique ? Pour avoir un siège et mener cette politique-là qui nous mène à la catastrophe ? Je sais que mes idées sont très minoritaires. Mais il peut se passer quelque chose dans la société, une explosion sociale. »

Sur la sécurité, thème imposé dans la campagne, quel est votre point de vue ?

« Il y a énormément de démagogie sur l’histoire de la sécurité. Tous les politiciens professionnels se sont emparés du sujet. C’est vrai qu’il y a une situation sociale qui se dégrade dans les quartiers défavorisés. Mais aujourd’hui, ceux qui réclament plus de moyens, un durcissement des lois pour ceux qui s’en sont pris à des policiers, c’est de la démagogie et ça ne réglera rien du problème de fond qui est le délabrement de la société. Il faut s’attaquer aux causes. Et puis, je regrette, mais donner des moyens à la police après la façon dont elle s’est comportée avec les gilets jaunes ? Combien de mains arrachées ? De personnes éborgnées ? Je crois que les policiers sont d’abord là pour protéger l’ordre social établi. Les policiers qui manifestaient ne réclamaient pas plus de moyens mais plus de répression. Et moi, je ne suis pas dans ce camp-là. »

Les gilets jaunes, justement, vous comptez sur eux ?

« J’espère que parmi les gens des classes populaires qui étaient sur les ronds-points, les idées que je défends résonneront. Par rapport à ce qu’ils ont vu de l’État. L’État qui a fait intervenir les matraques. »

Vous êtes Breton, le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, ça vous inspire quoi ?

« Je suis très loin de ça. Ce n’est absolument pas un sujet. C’est beaucoup des histoires de drapeaux, de frontières. J’ai même envie de prendre le contre-pied de ça. Parce que les revendications nationalistes bretonnes sont une autre forme du nationalisme patriotard français. Ce sont des idées qui ne sont pas du tout les miennes. Moi je suis un militant internationaliste. Quand je vois les gens qui essaient de franchir la Méditerranée, qui fuient la misère, la guerre, qui veulent sauver leur peau, ça me révolte contre les frontières. Et je n’ai pas envie d’en rajouter d’autres ».

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