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Dans les entreprises
Renault Le Mans : Débrayages contre l'éclatement du site
Il y a quelques mois, la direction avait commencé à préparer le terrain pour une éventuelle filialisation du secteur Tracteur qui emploie 550 personnes environ. Elle a décidé de brusquer les choses. Un CCE, devant décider de cette filialisation pour le 1 « janvier 2000, se tenait le 21 octobre.
La direction a eu beau préciser que cela n'allait rien changer, que cette filialisation était une filialisation à 100% Renault, etc.., tous les travailleurs de l'usine du Mans, et ceux du Tracteur en particulier, sont persuadés d'un mauvais coup. L'année dernière, un autre secteur du site avait été vendu, le département 83. Il devrait déménager progressivement à plusieurs kilomètres de l'usine à partir des vacances 2000. La direction avait déjà promis que rien ne devrait changer pour les travailleurs au niveau de leur rémunération. Or il a fallu que les ouvriers de ce département se mettent en grève une journée pour pouvoir toucher la prime d'intéressement aux résultats financiers de Renault (voir LO n° 1629).
La direction découpe l'usine secteur par secteur. Ce n'est pas pour une meilleure organisation de son groupe en faveur des travailleurs. Le site Renault Le Mans, avec ses 4300 travailleurs, l'inquiète. Elle essaie de nous diviser. Hier, le département 83, aujourd'hui le Tracteur et demain, la Fonderie, le département 82 ou le département 86, peut-être (ces secteurs sont sur la sellette).
La CGT a appelé le personnel du Tracteur à la grève, le mercredi 13 et le jeudi 14 octobre. Environ 200 ouvriers ont participé aux actions. La CFDT s'est jointe à l'appel. Le 15 octobre, l'ensemble du site (automobile et tracteur) était appelé à débrayer pour un cassecroûte géant aux portes de l'usine.
Un meeting a eu lieu à 14 heures, devant environ 600 personnes (grévistes du matin et équipe du soir) au changement d'équipes.
Les syndicats ont appelé à débrayer et à bloquer les portes de l'usine le mardi 19 octobre, un conseil d'administration devant avoir lieu à Paris, ce jour-là.
Le 19 octobre, les piquets de grève aux différentes portes de l'usine ont regroupé plusieurs centaines de travailleurs. De son côté, la direction avait, elle aussi, organisé les choses. Elle avait donné rendez-vous à ceux qui ne voulaient pas faire grève en différents lieux. Elle faisait signer un papier aux présents indiquant qu'ils n'étaient pas grévistes et elle avait prévu de forcer les portes avec des cars. Mais si des travailleurs non grévistes ont accepté de signer son papier, en revanche ils ont refusé de monter dans les cars pour rentrer à l'usine.
Du coup, ce sont uniquement les cadres avec les huissiers qui sont venus aux portes. Ils ont été reçus avec des oeufs. Difficile de faire des omelettes sans casser des ÷ufs !
La direction a assigné le jour même une quarantaine de travailleurs et de militants syndicaux pour « entrave à la liberté du travail ». Le jugement a eu lieu le lendemain. Le juge a débouté la direction, mais nous avons dû entendre une leçon de morale, nous disant qu'elle ne voulait plus nous revoir dans « son » tribunal, etc.., et nous condamnant aux dépens.
La direction de Renault Le Mans n'a donc pas supporté que nous fermions momentanément les portes de l'usine. Mais que dire quand, à un plus haut niveau, la direction de Renault-Nissan vient d'annoncer, quasiment en même temps, qu'elle comptait supprimer 21000 postes et fermer cinq usines au Japon? Beaucoup d'entre nous ont fait le rapprochement. Pour l'instant, nous en sommes là. Jeudi 21 octobre, un nouveau débrayage a eu lieu, où nous étions un peu moins nombreux. Les travailleurs sentent bien qu'il faut réagir, qu'il dépend de nous que ces mauvais coups ne passent pas. Mais ils ressentent aussi que cela ne dépend pas seulement d'un site, mais d'une réaction plus générale.