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Dans le monde
L'affaire Microsoft : Haute technologie et loi de la jungle
Le jugement prononcé le 5 novembre par un juge de Washington va-t-il finalement forcer Bill Gates, l'homme le plus riche du monde, et sa compagnie Microsoft, à laisser une place au soleil à ses concurrents ? Les choses n'en sont pas là, et de loin. Depuis une dizaine d'années que Microsoft fait face à des procès pour atteinte à la législation américaine sur les monopoles, le numéro Un mondial du logiciel informatique en a gagné plus qu'il n'en a perdu. Et le présent jugement, s'il n'est pas cassé en appel, ne fera tout au plus que contraindre Bill Gates à reprendre des négociations avec l'Etat américain en vue de trouver un compromis, négociations qu'il avait rompues de son propre chef. Quant à forcer Microsoft à céder un seul pouce de son empire, c'est une tout autre affaire.
Aujourd'hui, près de 90 % des micro-ordinateurs utilisés dans le monde fonctionnent au moins en partie avec des logiciels produits par Microsoft. La compagnie de Bill Gates a commencé par imposer, en s'alliant initialement avec IBM, un standard dans le domaine des systèmes d'exploitation, ces programmes préinstallés sur les ordinateurs grâce auxquels ceux-ci peuvent contrôler leur environnement (disques, imprimantes, écrans, etc.). C'est ainsi que Windows est aujourd'hui, et de très loin, le standard en vigueur dans ce domaine. Fort de ce standard, la stratégie de Microsoft a consisté à faire en sorte qu'il devienne nécessaire d'utiliser les autres programmes qu'il produit (traitement de texte, logiciel internet, etc.) à l'exclusion de tout autre, pour tirer le meilleur parti de ces ordinateurs. Ce qui a conféré un quasi-monopole de fait à la firme de Bill Gates.
Ce qui est déterminant dans ce domaine, comme dans les autres, ce n'est pas la qualité des produits en compétition, mais pas la loi de la jungle capitaliste, c'est-à-dire le rapport des forces en présence. Au début des années 1980, IBM réussit à imposer son standard de micro-ordinateur (le fameux PC) face à des firmes comme Apple, Acorn ou Sirius dont les produits étaient souvent supérieurs. Mais IBM avait l'énorme avantage d'avoir un quasi-monopole sur le parc d'ordinateurs installés dans les entreprises, ce qui lui assura les commandes de micro-ordinateurs de celles-ci.
En matière de programmes, Microsoft est un peu dans la même position grâce au quasi-monopole qu'il a imposé en matière de système d'exploitation, ce qui lui permet d'imposer ses propres standards dans l'ensemble du domaine logiciel, même si ses produits ne sont pas forcément, et de loin, meilleurs que ceux de ses concurrents.
Quant à l'interminable saga juridique des procès intentés à Microsoft, elle a d'autant moins de chances d'arriver à entamer son monopole que la firme a les milliards de dollars nécessaires pour jouer à plein sur les raffinements du système juridique américain, quitte à transiger avec certains de ses rivaux les mieux placés, ou même à les racheter si besoin est. Et tant qu'il peut gagner ainsi du temps, Bill Gates peut consolider sa position pour pouvoir imposer plus tard ses conditions si, d'aventure, il était contraint à rechercher un compromis. Tant il est vrai que sur le plan juridique, comme sur le plan commercial, c'est le rapport des forces qui compte, pas le bien-fondé de la cause.