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- Lutte ouvrière n°1654
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Editorial
Poursuivre, amplifier et unifier les luttes
Lors de sa conférence de presse du 21 mars sur la réforme du système des retraites, Jospin s'est montré prudent. Il a évité d'annoncer des mesures trop précises. Même s'il n'a visiblement pas abandonné l'objectif de faire payer plus cher les travailleurs, notamment par l'allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires, il a pour l'instant remis cela à plus tard.
La raison de cette prudence, c'est évidemment la mobilisation croissante des travailleurs, notamment du secteur public. Et c'est la même raison qui l'a amené, le 20 mars, à demander au ministre de l'Economie et des Finances, Christian Sautter, d'abandonner son projet de refonte de l'administration des Impôts. Car les travailleurs de ce secteur étaient en lutte depuis deux mois contre ce projet, qui aurait abouti à une diminution considérable du nombre d'emplois.
Quant aux travailleurs de l'enseignement, malgré les tentatives de Jospin pour les apaiser par de vagues promesses, ils continuent leur mouvement, et à juste titre. Les professeurs des lycées professionnels, comme l'ensemble des enseignants, continuent à faire grève et à manifester pour réclamer plus de moyens en personnel et en budget pour l'école.
Sans la lutte des enseignants, Jospin n'aurait pas débloqué un milliard de francs pour l'Education nationale. Mais cette somme est dérisoire eu égard aux besoins non satisfaits car elle ne permet la création que de 5 000 postes à répartir dans 70 000 établissements. Alors oui, les enseignants ont raison de protester contre la diminution des moyens de ce service public fondamental qu'est l'Education nationale.
Comme ont raison les agents hospitaliers qui n'acceptent pas que, petit à petit, on ramène les conditions d'hospitalisation au niveau d'un pays sous-développé. Comme ont raison les agents des Impôts en s'opposant aux suppressions d'emplois et en n'acceptant pas que les services de proximité soient abandonnés. Des pompiers aux travailleurs des transports en commun, en passant par La Poste ou la Sécurité sociale, il n'est pas un secteur des services publics où le mécontentement ne se soit pas exprimé ces dernières semaines.
Pour consacrer des sommes croissantes au patronat en subventions, en dégrèvements fiscaux, en allégements de charges sociales, l'Etat fait des économies sur les services publics, ce qui se traduit par des diminutions d'effectifs, c'est-à-dire par plus de chômage mais aussi par des services publics de plus mauvaise qualité.
Ces cadeaux de l'Etat ont une part importante dans l'enrichissement considérable de toutes les grandes entreprises. Mais cet enrichissement ne se traduit pas, on le sait bien, par des créations d'emplois dans le privé. Bien au contraire. Les grands groupes industriels multiplient les plans de suppressions d'emplois. En dernier, c'est ABB-Alstom, une société pourtant richissime, qui projette de supprimer un emploi sur cinq et de fermer plusieurs sites industriels.
Et le gouvernement laisse faire. Pourtant, Alstom s'est enrichi grâce aux commandes d'Etat. Qui oserait prétendre que le gouvernement n'aurait pas les moyens de s'opposer aux plans de licenciements ? Qui plus est, pendant que certaines des entreprises d'Alstom licencient, non seulement les affaires vont bien pour d'autres entreprises du même trust, comme Alstom Atlantique, mais cette dernière continue à bénéficier du soutien financier de l'Etat.
Dans l'ensemble du secteur privé, la crainte des licenciements, le poids du chômage et le soutien du gouvernement donnent au patronat des armes pour imposer la flexibilité, l'annualisation des horaires, pour aggraver les cadences et pour maintenir des bas salaires. La situation est inacceptable pour l'ensemble des travailleurs, et ce ne sont pas les quelques mesures de Jospin qui la règleront, même partiellement.
Jospin a prétendu distribuer toute sa " cagnotte ", c'est-à-dire tous les excédents des recettes fiscales. Mais il n'envisage pas d'augmenter cet excédent en relevant l'impôt sur les bénéfices des entreprises ne serait-ce qu'au niveau où il était sous Giscard. Il n'envisage pas plus de porter l'impôt sur les hauts revenus bourgeois à un niveau conséquent.
Car la véritable cagnotte ne se limite pas aux 50 milliards annoncés. Elle est constituée par les profits fantastiques des entreprises, par l'accroissement tout aussi faramineux des revenus des classes riches, réalisés depuis des années sur le dos des salariés. C'est sur cet argent qu'il faut prendre de quoi embaucher pour améliorer les services publics, mais aussi de quoi résorber vraiment le chômage, et pas seulement le remplacer, un peu, par la précarité.
Mais, pour cela, il faut que les luttes actuelles se poursuivent et se généralisent jusqu'à devenir assez puissantes pour arrêter l'offensive du patronat soutenu par le gouvernement.