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- Lutte ouvrière n°1669
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Grande-Bretagne : Condamnation d'un assassin raciste
En avril 1999, trois bombes bourrées de clous, et donc destinées à faire le maximum de victimes, avaient explosé coup sur coup à Londres, d'abord dans un marché antillais, puis une rue commerçante bengali et finalement devant un pub du centre fréquenté par des homosexuels. Au total ces bombes avaient fait trois morts et plus d'une centaine de blessés.
L'auteur de ces attentats, un électricien du nom de David Copeland, fut retrouvé assez rapidement après que sa photo, prise par des caméras vidéo de surveillance, eut été diffusée par la presse. Ce sont les propres camarades de travail de Copeland, sur le chantier d'une ligne de métro où il travaillait, qui l'avaient dénoncé à la police.
A l'époque les attentats avaient été revendiqués par plusieurs groupes d'extrême droite. Mais le gouvernement travailliste de Blair avait aussitôt rejeté l'idée que ces attentats puissent avoir des motivations politiques. Il ne pouvait s'agir que de l'oeuvre d'un déséquilibré, avait affirmé le ministre de l'Intérieur Jack Straw, soucieux avant tout de ne pas accréditer l'idée que, dans l'Angleterre de Blair, les groupuscules d'extrême droite puissent présenter le moindre danger.
Le procès de Copeland qui s'est déroulé à la fin juin n'aura pas entièrement éclairci la question. Il aura néanmoins révélé sans la moindre ambiguïté les liens de Copeland avec l'extrême droite. En effet, d'abord membre du BNP (Parti National Britannique) et de la garde prétorienne de son chef " historique ", John Tyndall, Copeland avait ensuite participé à une scission de ce groupe - se faisant appeler Mouvement National Socialiste - dont il était le responsable régional dans la partie sud de l'Angleterre où il habitait. Copeland s'est d'ailleurs revendiqué de cette affiliation, tandis que ce groupuscule n'a jamais désavoué les attentats qu'il avait commis.
Néanmoins, le procès n'a pas élucidé la question de la responsabilité de ce groupuscule raciste. Le ministère public n'ayant pas réussi à faire accepter la thèse de la démence (qui était également celle de la défense), il s'est rabattu sur celle de l'influence qu'auraient exercée sur Copeland les groupes racistes américains, partisans de l'action directe " sans leader " (" leaderless action "), qui aurait conduit Copeland à agir seul. C'est au nom de cette thèse que Copeland a été condamné à six fois la prison à vie. Et c'est cette thèse que la presse et le gouvernement se sont empressés de reprendre à leur compte.
Dans cette affaire, l'important pour Blair et son gouvernement était de toute évidence de tout faire pour écarter l'idée qu'un nervi comme Copeland puisse être le produit de la société britannique. Et pourtant, la marginalisation de toute une fraction de la population, que la politique antiouvrière du gouvernement travailliste n'a fait qu'accentuer, fournit un fumier fertile à la démagogie raciste de tous ces groupuscules d'extrême droite qui font du racisme leur fonds de commerce. D'autant plus que les travaillistes eux-mêmes ne cessent d'alimenter ce racisme en montrant du doigt les immigrés " clandestins " et autres " réfugiés bidon ", pour reprendre les termes du ministre de l'Intérieur.
Dans ce contexte on assiste à une certaine résurgence d'un racisme militant. On peut le voir s'exprimer lors des grands matchs de football, où de petits groupes de nervis arrivent à faire remonter à la surface les pires préjugés racistes. On peut le constater même sur le plan électoral, à l'occasion des élections municipales récentes, où les scores de l'extrême droite sont remontés pratiquement partout où elle se présentait, en particulier dans les régions les plus pauvres du centre du pays dont elle a fait ses bastions au cours de ces dernières années.
Que Copeland ait agi de sa propre initiative ou pas est finalement sans grande importance. Mais ses attentats ignobles sont l'expression, heureusement isolée pour le moment, d'un courant bien réel qui traverse la société britannique et que la politique actuelle des travaillistes au pouvoir ne fait qu'encourager.