Une ordonnance de non-lieu rendue, mercredi 5 juillet, en faveur d'un militant islamiste, arrêté en 1993 alors qu'il était le dirigeant en France du FIS, jette une lumière crue sur les pratiques de la police. En effet, dans son ordonnance, le juge d'instruction dénonce clairement le fait que les services de police se sont livrés à une manipulation, fabriquant tout simplement les preuves, en l'occurrence des textes présentés comme émanant de réseaux terroristes.

A l'époque, Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, avait organisé un vaste coup de filet, pompeusement baptisé " opération Chrysanthème ", visant à démontrer à l'opinion que le gouvernement faisait preuve de fermeté contre les terroristes islamiques qui venaient d'enlever des diplomates français en Algérie. Il fallait donc des résultats à tout prix, des coupables arrêtés dont on puisse citer le nom dans un communiqué de presse.

La manipulation avait été tellement grossière qu'elle avait été révélée très rapidement, donnant lieu dès 1994 à une enquête de l'IGPN, la police des polices. Mais celle-ci s'était dépêchée de blanchir ses collègues, concluant à une erreur due à un " manque d'organisation "...

Ce genre de coup tordu n'a rien d'exceptionnel. Il fait même partie des pratiques courantes de la police ou des services secrets : de l'affaire des Irlandais de Vincennes dans les années 1980 à celle de la paillote incendiée en Corse sur l'ordre du préfet Bonnet, les exemples ne manquent pas.

Cela illustre simplement le fait que, derrière le paravent " démocratique ", les discours sur "l' Etat de droit ", la réalité du pouvoir est exercée par un appareil d'État constitué d'hommes prêts à utiliser tous les moyens, depuis le mensonge jusqu'au meurtre ou la torture, comme cela a pu se pratiquer d'une façon systématique pendant la guerre d'Algérie.

C'est ce genre d'État dont la bourgeoisie a besoin pour défendre son ordre social. Et de temps en temps, il y a des " bavures " pour nous le rappeler.