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Espagne : La politique réactionnaire de l'ETA
L'assassinat de l'ex-gouverneur socialiste de la province de Guipuzcoa au Pays basque, Juan Maria Jauregui par un commando de l'ETA est une nouvelle preuve qu'en reprenant les actions terroristes, cette organisation séparatiste radicale n'a pas simplement choisi de faire quelques démonstrations de force mais qu'elle mène une offensive parmi les plus dures depuis plus de dix ans.
En sept mois - c'est-à-dire depuis la rupture de la trêve - sept personnalités ont été assassinées. Il ne s'agit pas de hauts dignitaires du pouvoir, mais d'un militaire de rang moyen, de conseillers municipaux, d'élus ou de journalistes. Le Parti Populaire actuellement au pouvoir est visé en premier lieu. Mais le PSOE l'est aussi. Les deux partis sont considérés comme les artisans présents ou passés d'une même politique visant à imposer au Pays basque la mainmise de l'Etat espagnol par la force et la répression, en refusant de prendre en compte le respect des droits du peuple basque à obtenir sa séparation et ceux de l'ETA d'être considéré comme un interlocuteur.
L'ETA par ailleurs entend aussi faire la démonstration qu'elle est une force incontournable qui pèse électoralement et politiquement au Pays basque tout comme elle est capable d'agir, si elle le choisit, sur l'ensemble du territoire espagnol, c'est-à-dire pas seulement dans les provinces basques mais aussi en Andalousie, à Madrid et peut-être demain dans d'autres provinces.
Les assassinats répétés de personnalités qui ne jouent pas un rôle déterminant dans la politique gouvernementale vis-à-vis du Pays basque sont destinés à faire pression sur l'ensemble d'une classe politique qui sait que les terroristes ont une longue liste de victimes potentielles.
Ce chantage et ces massacres en série sont monstrueux. Ils n'ont rien à voir avec le combat que peuvent mener des militants ou des groupes politiques qui luttent contre les oppressions, contre les injustices et l'exploitation. Et si demain l'ETA obligeait Madrid à reculer, il est certain que ses dirigeants utiliseraient la violence, la contrainte pour faire marcher au pas la population basque et non basque, même dans un Pays basque indépendant.
Les attentats de l'ETA, qui ne peuvent manquer de se multiplier dans les mois à venir, sont des méthodes criminelles qui n'ont rien à voir avec l'émancipation des opprimés. Elles relèvent de choix politiques réactionnaires qui, au nom d'un nationalisme exacerbé par des politiciens désireux d'être les maîtres au Pays basque, contribuent sciemment à creuser un fossé entre les travailleurs basques et non basques dans les provinces basques en même temps qu'elles isolent les classes populaires de cette région de celles des autres régions d'Espagne, alors que partout les couches pauvres de la population voient leur situation s'aggraver depuis des années.
Bien sûr les dirigeants de l'ETA ne portent pas la responsabilité la plus lourde dans la situation existant aujourd'hui dans cette région d'Espagne. Il y a eu le franquisme et l'impitoyable répression qu'il a utilisée pour museler les nationalistes basques. Il y a eu, dans les 25 ans qui ont suivi la fin de la dictature, le refus des gouvernements du centre, de gauche, puis aujourd'hui de droite, de régler politiquement le problème posé par l'existence d'un courant séparatiste radical au Pays basque. Tous les commentateurs s'accordent à dire que, malgré la réprobation que suscitent les méthodes de l'ETA parmi une partie importante de la population du Pays basque, le courant politique lié à l'ETA garde un électorat de l'ordre de 12 à 18 %. Mais il dispose d'un poids beaucoup plus important dans de nombreux quartiers populaires par le biais de multiples associations, en particulier parmi la jeunesse, nombreuse, à qui la situation actuelle n'offre guère de perspectives attirantes.
Les politiciens espagnols savent tous que le problème basque n'est pas soluble par la simple répression. Mais pour le moment le gouvernement d'Aznar se contente de multiplier les menaces de ne faire aucun quartier en même temps qu'il fait une importante pression pour tenter d'isoler l'ETA. Il essaie d'entraîner dans une sorte d'union sacrée anti-ETA non seulement le PSOE mais aussi les nationalistes modérés. Et si les choses semblent avancer du côté des socialistes qui viennent d'annoncer qu'ils avançaient leur rendez-vous avec le Parti d'Aznar (le PP), elles stagnent plutôt du côté des nationalistes modérés du PNV, que dirigeants du PP et dirigeants socialistes accusent de cautionner l'ETA.
Jusqu'à présent, malgré de virulentes condamnations du terrorisme, le PNV a continué à se refuser à casser toute solidarité et toute forme d'alliance avec Euskal Herritarrok (EH), la coalition politique liée à l'ETA qui s'appelait auparavant Herri Batasuna. Il est vrai qu'il s'est délié de son accord parlementaire avec EH au niveau du Parlement basque. Depuis quelques semaines il a aussi rompu de façon nette divers accords conclus avec l'ETA au niveau des municipalités. Mais les nationalistes basques modérés du PNV essaient de continuer malgré tout - et malgré les pressions des représentants du PP et du PSOE - une certaine collaboration avec l'ETA. Sans doute pensent-ils que c'est leur seule chance de ne pas se couper d'une partie minoritaire peut-être, mais importante et déterminée, de la population qui reste fidèle au nationalisme basque, tout comme c'est peut-être leur seule chance de maîtriser la situation au Pays basque et de se maintenir en place à la tête du gouvernement régional.
En attendant, l'été meurtrier qui s'annonce ne le sera pas du seul fait des terroristes de l'ETA, car dans le camp opposé c'est aussi la violence aveugle que les gouvernants vont manier avec les forces d'un appareil d'Etat capable de liquider les militants, de traquer les suspects, d'emprisonner et de torturer, en semant s'il le faut la terreur dans les quartiers et les agglomérations qui sont des bastions de l'ETA.