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Dans le monde
Sida : Faire payer les États riches
Dans la dernière période, l'assemblée des Nations Unies a surtout servi de caution aux manoeuvres des grandes puissances impérialistes, aussi son secrétaire général, Kofi Annan, a dû juger utile pour redorer son image d'accueillir une session "extraordinaire" consacrée au fléau moderne qu'est le sida.
Cette session se fait fort d'accoucher d'une résolution exigeant une "solution globale" pour le sida. Mais trouver des termes acceptables par l'ensemble des Etats n'est pas une tâche facile, si l'on ne veut pas heurter les Etats islamistes qui ne veulent pas entendre parler d'homosexualité, ou les Etats marqués par le catholicisme qui veulent ignorer le mot (et l'usage) du préservatif (Afrique, Amérique latine). Il y a aussi ceux qui s'offusquent que l'on parle de la toxicomanie, de la prostitution et même du "sexe", sans parler d'arrière-pensées encore plus tortueuses. Ainsi, cet ancien ambassadeur américain à l'ONU, Richard Holbrooke, pour qui il faut lutter contre le sida parce que sinon il y a le risque que le virus puisse "détruire des armées entières dans certains pays d'Afrique". Ah, s'il ne tuait que des civils !
Enfin, le monde capitaliste ne serait plus ce qu'il est si le début de mise en place d'un fonds mondial pour la santé - pour l'instant doté d'un demi-milliard de dollars par quelques-unes des plus grosses fortunes de la planète - n'attisait pas déjà les convoitises. Qui le gérera ? Comment seront attribués les fonds ?
Il reste qu'il a fallu vingt ans - tout le temps écoulé depuis que cette maladie est connue - pour que l'ONU décide de se pencher sur la question.
La géographie du sida montre que la maladie fait des ravages dans les continents où la misère est la plus forte, Afrique, Amérique latine, Asie.
Il y a six ans, la découverte de traitements thérapeutiques, qui ont amené une rémission pour de nombreux malades, a paradoxalement creusé l'écart entre ceux qui peuvent accéder aux traitements existants et les continents où disposer de médicaments demeure un luxe inouï. C'est pourquoi l'Afrique, le plus pauvre des continents de la planète, reste fortement touchée par le sida.
L'Afrique est marquée par les guerres civiles, par les massacres ethniques. Il n'empêche qu'on y meurt dix fois plus souvent du sida que de la guerre. Sur les 36 millions de patients que cette maladie a déjà tués, 25 millions sont des Africains. Même chose pour les personnes infectées : 17 sur 22 millions de malades.
On ne réunit évidemment pas une "assemblée extraordinaire" pour faire le point sur un fléau, dont on connaît bien les ravages, sans faire marcher les calculettes pour savoir, à l'avance, ce qu'il en coûterait d'y mettre un terme. Cela représenterait une dépense de 7 à 10 milliards de dollars par an (entre 50 et 75 milliards de francs). Et, pour enrayer la maladie, il faudrait poursuivre cette dépense pendant dix ans.
Cela peut sembler une somme exorbitante, pourtant c'est peu si on la compare à ce que le pillage financier des pays du Tiers Monde, que les grandes puissances ont sciemment endettés, peut rapporter en intérêts aux grandes banques (sans parler de ce que les capitaux ainsi extorqués ont pu rapporter à leur tour en étant placés sur le marché mondial des capitaux ou investis dans d'autres secteurs).
Mais quand les experts commencent à faire leurs comptes, cela ne signifie malheureusement pas que les grandes puissances sont décidées à combattre le fléau. Bien sûr, elles s'inquiètent qu'en ne faisant rien dans les pays les plus pauvres, cela accroisse les risques d'infection dans les pays développés. Mais, s'ils peuvent se dispenser de débourser un seul centime pour le bien commun, ils ne s'en privent pas.
Il suffit d'évoquer ce qui n'est pas été fait contre le paludisme. Cela concerne une centaine de pays. Plus de deux milliards de personnes y sont exposées. On recense de 300 à 500 millions de cas cliniques par an, dont 90 % en Afrique tropicale. Il y a entre 1,5 et 2,7 millions de morts par an. Les moyens de prévenir la maladie sont connus. Les moyens de la soigner quand on en est atteint existent également. Mais on continue d'en mourir faute de disposer de ces moyens élémentaires. Pour y remédier, il faudrait notamment s'attaquer aux marais où prospèrent les moustiques qui transmettent la maladie. Cela mériterait une mobilisation "extraordinaire" des pays riches et des moyens économiques, matériels et humains dont cette société regorge. Mais il n'en a jamais été question.
L'ONU ne fera sans doute guère mieux avec le sida. Elle accouchera d'une résolution, décrétant "l'urgence mondiale", qui ira rejoindre, après bien d'autres, le cimetière des résolutions de l'ONU.