"Erika" : Total irresponsable et coupable16/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1739.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

"Erika" : Total irresponsable et coupable

Deux ans après le naufrage du pétrolier Erika, la justice vient enfin de mettre en examen le groupe TotalFinaElf. Le capitaine du navire et son armateur l'avaient été bien avant, ainsi que des représentants de la préfecture maritime et du centre de surveillance en mer. Cette mise en examen, même assortie d'une caution de 50 millions de francs, n'a nullement ému les représentants du groupe pétrolier, qui ont fait appel. Et leurs avocats ont eu le front de protester contre "la décision discriminatoire" du juge qui a par ailleurs interdit à Total de transporter sur des navires vieux de plus de quinze ans du fuel lourd du type de celui déversé sur les côtes par l'Erika.

Mais si la procédure judiciaire peut encore durer des années, le rapport d'expertise rendu public à l'occasion du procès a confirmé l'écrasante responsabilité du groupe pétrolier dans la catastrophe. Loin d'être un simple client abusé par un armateur douteux, comme voulaient le présenter ses responsables alors que le pétrole commençait à se déverser sur le littoral, TotalFinaElf a bien été directement présent à toutes les étapes du drame, et en dernier recours ce sont ses décisions qui primaient sur celles des autres acteurs. On apprend ainsi que le jour du naufrage, le capitaine aurait réservé à la "cellule de crise" de Total des informations sur la perte à la mer de pétrole, la pollution, le fait que le pont était fissuré, toutes choses qu'il cachait aux autorités maritimes. Et le fait que cette cellule de crise lui ait envoyé plusieurs télex pourrait bien indiquer que c'est elle qui a pris la direction des opérations. Total était donc l'interlocuteur du capitaine. Son contrat lui enjoignait d'ailleurs de n'accepter aucun ordre sans l'accord express de la compagnie pétrolière. Dans la foulée, l'enquête a indiqué que les sociétés pétrolières faisaient elles-mêmes procéder par leurs inspecteurs aux contrôles de qualité des navires, ce que l'on appelle le "vetting", et que celui de l'Erika n'était pas à jour. L'autorisation de naviguer, donnée par les propres services de Total, prenait fin le 21 novembre 1999. Le pétrolier n'aurait donc pas dû être en mer sans nouvelle inspection le 12 décembre, date du naufrage. L'expert qualifie d'ailleurs ce bateau de "navire limite", avec lequel d'autres sociétés auraient refusé de travailler.

Voilà qui fait justice des prétentions de Total à se laver les mains de la catastrophe, et à se décharger de ses responsabilités sur l'armateur ou le capitaine, si ce n'est sur les services de secours maritimes. Face à ces faits, la mise en examen du groupe pour "complicité de mise en danger de la vie d'autrui" semble même bien faible.

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