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Dans le monde
La manifestation pro-israélienne du 7 avril
Les manifestations du dimanche 7 avril, regroupant la quasi-totalité des organisations sionistes de France, sous le patronage du Conseil Représentatif des Institutions juives de France, le CRIF, théoriquement appelée pour " condamner les actes d'agressions antisémites " et " en soutien au peuple israélien ", s'est logiquement transformée, en particulier à Paris, en manifestation de soutien à la politique d'agression criminelle de Sharon contre la population palestinienne des territoires occupés.
Par la même logique, ce sont les commandos des mouvements d'extrême droite sionistes qui ont fait régner leur loi sur la manifestation, en faisant le coup de poing, le coup de matraque, voire le coup de couteau, contre tout ce qui n'était pas dans leur ligne raciste et ultranationaliste. La devise de ces petites frappes, celle de tous les nationalistes " purs et durs ", empruntée à Mussolini, c'est : " Un seul peuple, un seul parti et un seul chef ", ici Sharon, et en y ajoutant évidemment aujourd'hui : une seule armée de tueurs en uniforme, celle qu'ils glorifient : " Tsahal ", l'armée israélienne.
Des passants jeunes et moins jeunes, qui avaient simplement le tort d'avoir le type arabe et de se trouver sur le passage de la manifestation, en ont fait les frais. Mais ce sont aussi des Juifs, qui pensaient autrement et qui entendaient se distinguer de l'unanimisme imposé par les organisateurs et leur police d'extrême droite, qui ont été à leur tour sauvagement agressés, que ce soit dans le cortège principal ou quand celui-ci a rejoint celui des Juifs libéraux se réclamant plus ou moins de la gauche et de " la paix maintenant ".
Ce n'est pas un " détail ", ou " des incidents regrettables ", comme a osé le dire le président du CRIF, qui a refusé de désigner les auteurs de ces agressions qu'il connaissait parfaitement et qui a tout autant refusé de stigmatiser ces bandes racistes et fascistes avec qui ainsi il se solidarise.
Voilà qui devrait faire réfléchir tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ressentent une certaine solidarité avec l'Etat d'Israël. On voit aujourd'hui à quelle catastrophe politique et sociale mène le soutien à la politique jusqu'au-boutiste du gouvernement israélien. Certains rescapés des camps d'extermination nazis l'ont dit à la télévision : " Comment accepter de défendre aujourd'hui en Palestine ce dont nous avons été victimes et contre quoi certains d'entre nous se sont dressés, le racisme, l'humiliation, l'intolérance, les traitements inhumains ? " Et ils auraient pu ajouter : ce qui a entraîné - devant la passivité totale des grandes puissances au sortir de la guerre - la création de l'Etat d'Israël avec le soutien de nombre de rescapés des camps de la mort nazis, pensant ainsi pouvoir enfin vivre en paix dans un pays qui soit le leur.
Malheureusement, à quelques exceptions près, les organisations juives existant en France revendiquent une solidarité avec l'Etat d'Israël inconditionnelle qui les mène, on l'a vu à l'occasion de cette manifestation, à se solidariser avec les actions les plus odieuses du gouvernement de Sharon. Ce n'est rien de mieux que ce qu'ont pu donner toutes les dérives nationalistes, que ce soit celles des Milosevic ou d'autres, pires encore. Le " silence dans les rangs " et le cassage de gueule des opposants de gauche n'est pas un accident : c'en est le passage obligé.
Il ne sert à rien, pour se justifier, d'invoquer les attentats aveugles commis par des organisations palestiniennes. Ils font eux aussi partie d'une politique odieuse, qui n'est que la réciproque, côté palestinien, du terrorisme du gouvernement Sharon, avec cette différence cependant que ce dernier est l'oeuvre d'une armée moderne et suréquipée, disposant d'énormes moyens pour écraser tout un peuple. Et que c'est tout de même l'Etat d'Israël qui occupe depuis 35 ans les territoires palestiniens, en niant à tout un peuple les droits nationaux les plus élémentaires, et qui en poursuit la colonisation.
L'impasse où se trouve maintenant Israël avec la politique de Sharon, c'est l'impasse où mène en fait toute la politique sioniste. Une politique qui consistait à vouloir créer à tout prix un Etat juif en Palestine, au mépris des droits de ses habitants. Aujourd'hui, la seule véritable solidarité avec le peuple israélien serait de l'aider à rompre avec la politique menée par ses dirigeants, car son avenir ne peut être que dans la coexistence fraternelle avec ses voisins palestiniens et arabes en général. Et la meilleure façon de l'y aider serait bien de redonner vie à des perspectives internationalistes, à une perspective communiste.
Dans le passé, une partie de la jeunesse juive s'est bien souvent trouvée à l'avant-garde des mouvements révolutionnaires socialistes et communistes, combattant pour la fin de l'oppression et de l'exploitation à travers le monde, en commençant par rejeter le poids de la religion, des particularismes et des micro- nationalismes. C'est avec cela qu'il faut renouer ; en Israël, en Palestine, et en France.