Attentat de Karachi : La France trafiquant d'armes17/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1764.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Attentat de Karachi : La France trafiquant d'armes

Onze morts, des dizaines de blessés, victimes de l'attentat de Karachi du 8 mai, rappellent la façon dont l'État français se situe dans le peloton de tête des marchands d'armes de la planète. Dans ce commerce, de tout temps, les gouvernants n'ont jamais été très regardants sur les clients puisque le Pakistan, auquel était destiné le sous-marin sur lequel travaillaient les salariés de l'arsenal de Cherbourg, est une dictature. Ce pays se situe même au troisième rang des pays avec lesquels la France, entre 1991 et 2000, a passé en moyenne le plus de contrats, pour un montant de plus de 2 milliards d'euros.

Le contrat, conclu en septembre 1994 par le gouvernement Balladur et sous la présidence de Mitterrand, concernait trois sous-marins, dont le premier devait être construit à Cherbourg et les deux suivants en partie dans les chantiers de Karachi, avec « un transfert de technologie », de savoir-faire, devant permettre le développement d'une industrie autonome pakistanaise d'armement. En fait, huit ans plus tard, il faut encore plusieurs dizaines d'ingénieurs et de techniciens français sur place au Pakistan pour poursuivre la construction des sous-marins.

La France avait également fait crédit au Pakistan pour le règlement de la facture, qu'il était incapable d'honorer. Les industriels concernés par la fourniture du matériel nécessaire à la construction étaient loin d'être lésés, l'Etat français garantissant le contrat. De son côté, l'Etat ne manquait pas de compensations paraît-il très juteuses pour le crédit accordé. En février dernier, le ministre de la Défense de Jospin, Alain Richard, se félicitait ainsi des perspectives d'exportation d'armements vers un pays comme le Pakistan qui, même déclaré en faillite financière, représente un débouché important pour les marchands de canons, « compte tenu des tensions fortes » avec l'Inde, précisait-il devant la Commission de la Défense nationale de l'Assemblée nationale. Mais si elle fournit le Pakistan en engins de mort, la France n'est pas en reste avec l'Inde, pays avec lequel des négociations se poursuivent également pour la vente de... sous-marins.

Entre la France et le Pakistan, le commerce des armes remonte au moins à la fin des années soixante, lorsque le Pakistan décida de se doter d'une armée moderne face à l'Inde. Depuis, la France lui a vendu tout ce qu'elle a pu : six sous-marins et les navires accompagnateurs, trois chasseurs de mines, sept avions de lutte anti-sous-marine, 180 Mirage III et V de chez Dassault, des hélicoptères, des avions Falcon, des missiles Exocet et Crotale, des radars, etc., toute une panoplie d'engins de mort. Bien sûr, l'activité de trafiquant d'armes des gouvernements français ne se limite pas au Pakistan et à l'Inde. L'Irak, l'Iran, tant d'autres pays dans cette région du monde ou en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique du Sud, aux quatre coins de la planète ont été ou sont encore des clients de l'Etat français et de ses industriels de l'armement. C'est cet Etat qui prétend aujourd'hui rendre un hommage solennel aux victimes de l'attentat de Karachi. Mais il n'est bien sûr pas question qu'il interrompe son trafic, ni qu'il cesse d'envoyer des salariés en mission dangereuse, sinon mortelle. Pour les gouvernants comme pour les industriels, l'argent n'a pas d'odeur, même quand il a le goût du sang.

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