Des "économies" que la population paie au prix fort28/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1770.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des "économies" que la population paie au prix fort

Suite au recensement national de 1999, l'Insee (Institut national des statistiques et études économiques) vient de publier une étude édifiante sur les voyages quotidiens en Île-de-France.

Entre 1990 et 1999, la croissance des déplacements urbains dans cette région peuplée de onze millions d'habitants a été de presque 10 %. Encore ne s'agit-il là que d'une moyenne qui rend peu compte de l'augmentation du temps passé dans les transports, des distances parcourues et de la fatigue que doivent subir les usagers des transports, quel que soit le moyen qu'ils utilisent.

Sur la période concernée, en effet, les déplacements Paris-banlieue ont diminué de 3 %. C'est le reflet de plusieurs phénomènes : la capitale continue à se dépeupler, car elle devient de plus en plus trop chère pour que les travailleurs y habitent, tandis qu'ont grossi des " pôles d'emploi " secondaires hors Paris même (la Défense, le " pôle aéroportuaire " de Roissy ou les villes nouvelles). Or, le système de transports en commun et, dans une moindre mesure, celui des grands axes de circulation automobile sont essentiellement conçus comme rayonnant de et vers le coeur de l'agglomération.

Alors que les déplacements inter-banlieues ont beaucoup augmenté (+ 17 % sur dix ans), rien ou presque n'a été prévu en matière d'investissements publics pour y faire face. Il n'y a pratiquement pas eu de nouvelles lignes de métro, de bus, de RER, ouvertes en banlieue et encore moins entre banlieues, surtout dans la grande couronne. Pire, les systèmes de transports en commun existants n'ont cessé de se dégrader, faute de moyens matériels, faute d'embauches (le personnel a même globalement, comme partout dans les services publics, eu tendance à diminuer).

Cela, tous les travailleurs de la région parisienne peuvent le constater quotidiennement. Les retards des rames de RER sont le lot quotidien des deux millions de Franciliens qui les utilisent pour aller et revenir de leur travail. Même chose sur le réseau du métro ou SNCF classique. Ne parlons pas des bus, peu fréquents quand ils existent en banlieue, et bien souvent bloqués dans les embouteillages.

Les " incidents " en tout genre ne se comptent plus, sans que les transportés sachent toujours à quoi ils tiennent (manque de personnel, de rames en état de rouler, matériel de plus en plus vétuste, ruptures de caténaires...). Les pannes se multiplient dans un système informatique du RER qui a plus de vingt ans. Dans un reportage du Monde, un responsable du poste de commandement de la ligne C du RER (qu'empruntent près d'un demi-million de voyageurs chaque jour) se félicite de n'enregistrer " que " un peu moins de 10 % de retards aux heures de pointe, mais en moyenne sur l'année, car les premières semaines de 2002 ont été, dit-il, " catastrophiques, avec 15 à 30 % de retard (...) en raison de graves problèmes techniques ".

Résultat : l'Insee constate que 43 % des Franciliens utilisent leur propre véhicule pour aller travailler, une proportion qui ne cesse de croître. Avec, en parallèle, mais cette étude ne l'a pas chiffré, des dépenses accrues pour les ménages puisque la situation des transports en commun est telle que le nombre de ceux qui ont deux véhicules - on l'imagine, pas pour leur seul plaisir - est lui aussi en constante augmentation (20,6 % en 1999 contre 17,8 % en 1990).

Cette situation, aberrante en termes de coûts social, économique et humain, est le résultat d'années de restrictions du fait des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, au détriment du service public des transports, de ceux qui y travaillent comme de ceux qui y ont recours pour aller travailler.

Mais on aurait tort de croire que, durant la décennie étudiée par l'Insee, les responsables de cette situation sont restés les bras croisés. Devant les plaintes des usagers, la SNCF a... nommé un " Monsieur Régularité " ! Les pouvoirs publics ont multiplié les campagnes... en appelant au civisme des Franciliens pour qu'ils délaissent leurs voitures et se rabattent vers les transports en commun ! Comme, évidemment, ce n'était guère convaincant, ils ont alors pris les mesures que l'on sait, à Paris et dans l'agglomération, en réduisant l'espace dévolu à la voiture, en augmentant les tarifs de stationnement et le nombre des emplacements payants. Bref, en opérant une sélection par l'argent : la seule forme de " régulation " que connaisse cette société qui marche (et roule) sur la tête...

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