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- Lutte ouvrière n°1780
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Editorial
La politique que la gauche a mené avec hypocrisie, la droite la continue avec brutalité
Les mesures annoncées par le gouvernement Chirac-Raffarin en cette rentrée de septembre expriment toutes une politique de classe cyniquement affichée. A la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu des plus riches, déjà annoncée en juillet, s'ajoutera une baisse de 2 % de plus pour 2003. Cette baisse se traduit par un cadeau fiscal de millions d'euros pour les hauts revenus, mais de quelques dizaines d'euros pour les salaires moyens et par rien du tout pour ceux qui gagnent trop peu pour payer l'impôt sur le revenu, mais qui payent quand même la TVA. Et ce n'est certainement pas la prime pour l'emploi, cette invention de Fabius reprise par Raffarin, qui compense cette inégalité, d'autant que les retraités n'y ont pas droit.
Le gouvernement se vante d'avoir ramené le taux d'imposition de la tranche supérieure en dessous de la barre de 50 %. Et il ose prétendre que cela " va réhabiliter la valeur du travail ", comme si ses principaux bénéficiaires n'étaient pas ceux qui travaillent le moins, en tout cas le moins dur, et parasitent le plus le travail des autres !
Le prochain budget prévoit également de nouvelles baisses de charges sociales et celle de la taxe professionnelle. Et ce sera aux classes populaires de payer cette générosité à l'égard du patronat.
Le gouvernement a déjà annoncé la réduction des effectifs de l'Education nationale. Il y aura moins d'enseignants pour éduquer, moins de surveillants pour encadrer, mais on punira plus et à un âge plus jeune les gamins que la société laisse à l'abandon. Il y aura moins de logements sociaux, mais un porte-avions nucléaire de plus. Des hôpitaux délabrés mais des sous-marins !
Mais pourquoi donc ce gouvernement se gênerait-il pour prendre aux plus pauvres pour enrichir encore plus les plus riches ? Il n'a aucun mal à se souvenir que toutes ces mesures sont dans la droite ligne de la politique du gouvernement de la gauche. Lorsqu'un porte-parole du Parti Socialiste dénonce comme inégalitaire le projet de baisses d'impôt, le nouveau ministre de l'Economie peut se permettre de rappeler qu'il reprend en gros un projet préparé par Fabius, son prédécesseur socialiste. En s'acheminant vers la privatisation d'Air France, d'EDF-GDF ou de la Snecma, le gouvernement de droite ne fait qu'appliquer des projets de la gauche.
Les partis de gauche dénoncent aujourd'hui la remise en cause de la loi Aubry. Mais qui parmi les travailleurs aurait pu oublier que cette loi, ce n'est pas seulement la réduction des horaires de travail, mais aussi le droit accru pour les patrons de rendre les horaires plus flexibles et d'annualiser le temps de travail ? Et c'est aussi des dizaines de milliards pris dans le budget, c'est-à-dire enlevés aux services publics pour être donnés aux patrons sous prétexte de compensations. Si la droite n'a pas purement et simplement annulé la loi Aubry, c'est que, grâce à elle, les patrons continueront à toucher les subventions en n'ayant même pas à se donner la peine de réduire l'horaire de travail.
La politique propatronale que la gauche a menée hier avec hypocrisie, la droite la mène aujourd'hui avec d'autant plus de brutalité que le Parti Socialiste et le Parti Communiste lui en ont donné les moyens, en aidant Chirac à se faire plébisciter grâce au soutien moral de la gauche.
Mais Chirac-Raffarin auraient tort de présumer de leur force. Ils n'ont certes rien à craindre du côté des grands partis de gauche, qui même dans l'opposition surveillent leur langage pour ne pas déplaire au patronat.
Mais si les travailleurs ont été trompés, ils n'ont rien perdu de leur force. Et le jour où la coupe sera pleine, face aux provocations du patronat et à l'arrogance du gouvernement, face aux licenciements qui se multiplient et aux conditions de vie qui se dégradent, les grands partis de gauche auront peut-être plus de mal à détourner la colère. L'avenir du monde du travail consiste à ne plus croire les bonimenteurs qui prétendent les défendre dans l'opposition pour mieux les trahir au gouvernement. L'avenir, c'est réagir avec ses armes de classe, des grèves généralisées et des manifestations de masse. C'est le seul moyen de faire reculer et le patronat, et le gouvernement.