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- Lutte ouvrière n°1818
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Irak : Des "brebis galeuses" et tortionnaires à l'image de l'impérialisme
Depuis la chute de Saddam Hussein, les ministres de Blair n'ont cessé de vanter le "professionnalisme" des troupes britanniques dans la "sécurisation" de Bassora -sous-entendu, par comparaison avec l'impotence des troupes américaines face au chaos qui continue à régner à Bagdad.
Or un colonel, Tim Collins, commandant l'un des deux régiments britanniques à Bassora jusqu'au début mai, a été accusé, peu après avoir été gratifié d'une promotion pour son "efficacité" dans la guerre, d'avoir personnellement brutalisé des prisonniers et des civils irakiens pour leur soutirer des renseignements. On ne parlait pas encore de torture, mais ça n'a pas tardé. Car à peine une semaine plus tard, des photos, rapportées d'Irak par un jeune soldat en permission, sont venues confirmer la nature des méthodes des forces d'occupation anglaises, en montrant de véritables scènes de tortures dignes des pires guerres coloniales.
Voilà qui n'arrange pas Blair et ses efforts pour convaincre une opinion publique, toujours aussi hostile à sa politique en Irak, du rôle "humanitaire" et "démocratique" qu'y joueraient les forces d'occupation anglaises. Mais Blair n'a que les hommes qu'il mérite, ou plutôt que mérite sa politique.
Ce Collins, par exemple, une espèce de Rambo galonné sorti tout droit des cercles protestants les plus réactionnaires d'Irlande du Nord, s'était payé le luxe, en tant que commandant du Royal Irish Regiment, d'assurer à la presse que, grâce à leur expérience acquise en Irlande du Nord, lui et ses hommes se faisaient fort de mater toute résistance populaire à Bassora. Et le fait est que, même si Bassora, tout comme les autres grandes villes d'Irak, continue à avoir son lot de manifestations, cela fait déjà quelque temps que, contrairement à ce qui se passe à Bagdad, aucun soldat des forces d'occupation n'y a été tué -pour l'instant en tout cas.
Il y avait une certaine vérité dans la vantardise de Collins, comme le montre le pedigree du Royal Irish Regiment (RIR). Ses origines remontent aux "B-Specials" des années 1960, une milice de volontaires armés recrutés dans les rangs protestants d'Irlande du Nord par les autorités britanniques pour donner la chasse aux nationalistes irlandais. En 1969, face à la montée du mouvement des droits civiques, les "B-Specials" prirent la tête de pogromes sanglants contre les ghettos catholiques, au point que Londres dut prononcer leur dissolution -mais seulement pour les reconstituer aussitôt dans un Régiment de Défense de l'Ulster (UDR) intégré à l'armée régulière. C'est ce régiment qui a fini par changer de nom, il y a quelques années, pour devenir le RIR.
Mais la nature du RIR n'a pas fondamentalement changé. Son recrutement se fait toujours, pour l'essentiel, dans les milieux protestants d'extrême droite d'Irlande du Nord les plus déterminés à en finir avec ce qu'ils considèrent comme la "racaille" nationaliste irlandaise, et plus généralement avec la minorité catholique. Et si le quartier général du régiment a été transféré dans le sud de l'Angleterre, il n'en a pas moins continué, jusqu'à la guerre d'Irak, à être le fer de lance de la répression antinationaliste en Irlande du Nord, où il a eu recours non seulement à la torture mais également à des exécutions sommaires, soit directement, soit en infiltrant des gangs paramilitaires protestants.
Si des milliers de kilomètres séparent l'Irlande de l'Irak, une occupation militaire imposée à une population qui n'en veut pas en vaut une autre. Les dirigeants britanniques qui ont choisi d'envoyer le RIR à Bassora savaient exactement ce qu'ils faisaient. Et les bellicistes d'hier qui prétendent aujourd'hui s'étonner, ou s'indigner, des exactions d'un Collins ne sont évidemment que des hypocrites. Les gens comme Collins, et ils sont légion parmi les cadres de la machine de guerre occidentale, sont des rouages bien adaptés à leur fonction, à l'image de ce qu'est la domination impérialiste.