Editorial d'Arlette Laguiller : Chirac, la voix du patronat18/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/07/une1824.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Editorial d'Arlette Laguiller : Chirac, la voix du patronat

Lors de la traditionnelle intervention télévisée du 14 juillet du chef de l'Etat, le président de la République a répété que "L'Etat ne peut pas décider de tout", en osant affirmer que sur la question des retraites il y aurait eu, "pour la première fois", "un dialogue et une concertation sociale". Mais quel dialogue ? Quelle concertation ? Le Medef du baron Seillière a posé ses conditions aux syndicats, à prendre ou à laisser. Il a trouvé deux confédérations syndicales qui ne représentent pas grand-chose (et pas même leurs militants, à en juger par l'ampleur des remous qui secouent la CFDT) pour donner leur aval, sous prétexte que cela aurait pu être encore pire, à un texte de régression sociale. Et le gouvernement, qui ne peut pas "décider de tout", a tout de même décidé d'avaliser ce document, donc, quoi qu'en dise Chirac, de faire intervenir l'Etat.

C'est exactement au même scénario qu'on a assisté en ce qui concerne les intermittents du spectacle, le baron Seillière devenant cette fois-ci, de fait, le ministre de tutelle d'Aillagon, après avoir été celui de Fillon. La négociation s'est bornée là aussi à "ce sera comme ça et pas autrement !".

Pourtant, Chirac et Raffarin n'ont aucune difficulté à "décider" quand il s'agit de diminuer les impôts des plus riches, d'accorder des diminutions de charges sociales au patronat ou de le subventionner.

Et c'est encore de la même logique que Chirac s'inspire, quand il déclare à propos du mouvement des intermittents du spectacle, que l'Etat va mettre en place "un système d'aide à la création culturelle". C'est-à-dire qu'il y aura (peut-être) des aides accordées aux directeurs de compagnies, aux promoteurs de festivals, mais rien pour les techniciens, machinistes, éclairagistes, comédiens, qui sont les victimes de la situation actuelle.

Chirac a certes eu quelques mots pour condamner les entreprises qui ont "sciemment détourné à leur profit" le système actuel, en utilisant le chantage au chômage pour faire travailler des intermittents en ne les déclarant que pour des périodes d'activité bien inférieures à la réalité. Mais depuis les déclarations du président de la République sur les "patrons voyous", au moment de la fermeture de Métaleurop, restées sans aucune suite, on sait ce que valent les déclarations de Chirac en la matière.

Et les patrons de l'audiovisuel qui se livrent à ce genre de pratique font partie de la confédération patronale du baron Seillière.

Ils sont d'ailleurs les dignes représentants des moeurs du patronat, car tous les travailleurs savent comment la législation sur le travail intérimaire, sur les contrats à durée déterminée (qui d'après les textes ne devraient concerner que des situations de remplacement momentané de travailleurs ou de surcroît exceptionnel d'activité) est contournée chaque jour dans de nombreuses entreprises avec la bénédiction des autorités gouvernementales. Comme est violée en permanence la législation sur les accidents du travail, quand l'encadrement fait pression sur des travailleurs pour qu'ils ne déclarent pas les accidents dont ils ont été victimes.

Ce discours hypocrite était tenu à l'occasion d'une garden-party donnée à l'Elysée pour commémorer le 14 juillet 1789. Mais Chirac, qui face à la contestation sociale affirme que les mécontents feraient mieux de "s'adapter", et Raffarin qui joue volontiers les matamores en répétant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", feraient bien de ne pas oublier que c'est "la rue" qui le 14 juillet 1789 a brisé la tentative des privilégiés de l'Ancien Régime d'étouffer dans l'oeuf la révolution montante; que c'est encore "la rue" qui trois ans plus tard, le 10 août 1792, a jeté bas la monarchie. Et que "la rue", c'est-à-dire l'ensemble des travailleurs en colère, pourrait bien leur imposer demain un changement de politique, et même la démission.

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