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Irak : Les inquiétudes des dirigeants américains
Selon un sondage Gallup publié dans la dernière semaine de juillet, 25% de l'opinion publique américaine serait favorable au rapatriement immédiat des soldats occupant le sol irakien et 33% supplémentaires seraient pour leur rapatriement si leur sécurité ne pouvait pas être garantie. On est loin des larges majorités dont les sondages créditaient la politique guerrière de Bush au lendemain de la chute de Saddam Hussein.
C'est qu'entre-temps, le nombre des victimes américaines n'a cessé de monter. Et les manipulations de chiffres auxquelles se livrent Bush et le Pentagone ne suffisent plus à empêcher la presse américaine, y compris la plus réactionnaire, de laisser filtrer une partie de la réalité.
Depuis l'annonce de la fin de la guerre d'Irak par Bush, 52 soldats américains sont officiellement "morts au combat". Mais, en plus, les chiffres du Pentagone indiquent que 23 soldats américains sont morts dans des accidents de transport (dont près d'un tiers dans un hélicoptère abattu au cours d'une opération de ratissage qui ressemblait bien pourtant à une opération de "combat"), douze dans des accidents causés par des explosifs, six de maladie ou de noyade tandis que trois se sont suicidés. Enfin, seize sont morts dans des "circonstances non élucidées". Au total, on en serait donc à 112 morts depuis le 1er mai, contre 117 pour la période de la guerre proprement dite! Et, "morts au combat" ou pas, c'est bien dans cette sale guerre qu'ils ont laissé leur peau.
Les mêmes manipulations président aux chiffres concernant les blessés. Officiellement, le Pentagone en reconnaît 827 depuis le début de la guerre, contre 926 pour le commandement central au Qatar. On n'est pas à une centaine près dans les état-majors! Mais, selon l'un des commandants de la base américaine de Andrews, où transitent les soldats blessés en Irak, ces chiffres seraient très loin de la réalité. Pour lui, le nombre de soldats passés par Andrews dépasserait déjà les 4000 et ils continueraient à arriver à un rythme toujours croissant. Au point que, selon la chaîne de télévision CBS, l'hôpital militaire Walter Reed à Washington, qui avait été jugé suffisant pour la guerre, est aujourd'hui complètement débordé.
Le Pentagone commence à s'inquiéter du mauvais effet que tout cela peut faire dans l'opinion. Au point que, suite à la publication de l'interview d'un sous-officier estimant qu'il était temps pour les troupes américaines d'être rapatriées, le chef des forces d'occupation, le général Abizaïd, a jugé bon de menacer de sanctions drastiques tout militaire qui se risquerait à faire des déclarations à la presse sans en passer par la censure de ses supérieurs.
Mais pas plus la censure imposée aux soldats américains que les mensonges de l'administration Bush ne pourront cacher bien longtemps la réalité de la situation - celle d'une guerre larvée en gestation.
D'autant moins que face à l'hostilité croissante que suscite l'occupation militaire dans la population irakienne, la seule réponse que les dirigeants anglo-américains sont capables de trouver, avec la complicité plus ou moins active de leurs collègues de l'ONU -eux qui ont unanimement entériné l'état de fait créé par l'occupation militaire- est celle de la répression. En témoigne un rapport récent d'Amnesty International, selon lequel les geôles des forces d'occupation contiendraient au moins 20000 détenus. Fait significatif: des milliers d'entre eux s'entassent à la prison d'Abou Ghriad, à Bagdad, cet ancien symbole de la dictature aux conditions de détention particulièrement inhumaines, remis en service pour les besoins des occupants.
Entre la guerre proprement dite et les destructions matérielles et humaines qu'elle a entraînées, l'occupation du pays au mépris des besoins les plus élémentaires de la population, et maintenant la répression qu'ils lui infligent, les dirigeants impérialistes ont créé un ferment sur lequel l'embryon de résistance actuel ne peut qu'aller en se développant, pour se transformer en guerre -une guerre qui ne dit pas son nom, pas encore tout au moins, mais une guerre néanmoins- comme tant d'autres pays pauvres en ont connu dans le passé, chaque fois que l'impérialisme a tenté de leur imposer les pillages de ses trusts par la force des armes.