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- Lutte ouvrière n°1836
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Dans le monde
Tchétchénie : Le chef de bande Kadyrov "élu" par le Kremlin et son armée d'occupation, avec la caution de l'Occident : la farce des dirigeants et le sang des peuples
Dénoncé comme une farce un peu partout, même en Russie par certains journaux, le scrutin présidentiel du 5 octobre en Tchétchénie n'a été qu'une formalité militaro-policière. Déjà placé par Moscou à la tête du gouvernement local, Akhmad Kadyrov était "élu" d'avance. Et Poutine y a veillé, notamment en faisant écarter tous les candidats qui auraient pu faire de l'ombre à son poulain, car il ne parvient toujours pas à "normaliser" cette république sécessionniste qu'il a fait envahir en 1999. Des dizaines de milliers de soldats, policiers et mercenaires russes n'ayant pu y réduire les indépendantistes, Poutine cherche à "tchétchéniser" sa guerre en s'appuyant sur la principale force armée locale pro-russe, celle du sanguinaire Kadyrov.
Sur place, la population reste la proie des hommes de guerre, bandits, trafiquants, militaires, etc., qui mettent en coupe réglée la Tchétchénie depuis douze ans. Mais cela ne compte pas aux yeux des dirigeants russes et de Poutine en particulier, qui veut pouvoir se présenter comme ayant ramené un semblant d'ordre légal en Tchétchénie avec des hommes à sa botte qui l'imposent. Et pour cela, peu lui importent les moyens.
La proie des bandes armées
C'est en se faisant fort de restaurer l'autorité de l'État, partout en Russie et d'abord en Tchétchénie, que Poutine avait accédé au Kremlin en 2000. Et lors de l'élection présidentielle russe de mai prochain, il espère assurer sa réélection en se targuant d'avoir tenu promesse.
L'intervention militaire russe en Tchétchénie a certes réussi à chasser du pouvoir le président légalement élu en 1997, Maskhadov, mais pas à "ramener l'ordre" comme s'y était engagé Poutine.
Depuis quatre ans la population tchétchène, quand elle n'a pas pris le chemin des camps de réfugiés dans les régions voisines, ne connaît que l'enfer. Au milieu de combats où elle est prise en otage, elle survit dans des ruines, subit les rackets des bandes en présence, les rafles d'hommes armés qui tirent rançon des familles de leurs victimes mortes ou vives, tortures et assassinats restant monnaie courante. Car depuis 1999 les exactions de la soldatesque russe se sont ajoutées à celles des chefs de guerre du cru, dont certains changent de camp au gré de leurs intérêts afin d'élargir leurs sources d'enrichissement sur le dos de la population.
Kadyrov en est une parfaite illustration. Après l'éclatement de l'URSS fin 1991, ce chef de clan tchétchène devenu mufti, puis grand mufti (chef religieux musulman), a soutenu le général-président indépendantiste Doudaev, puis son successeur Maskhadov, un autre ex-officier soviétique, durant la guerre d'Eltsine en 1994-1996 où Kadyrov prêcha la "guerre sainte" contre la Russie. En 1999, l'armée russe ayant chassé Maskhadov, Kadyrov tourna casaque et surtout les armes de son clan dont il offrit l'appui au Kremlin.
En échange, Poutine en fit son proconsul. Ayant carte blanche, Kadyrov et ses gangsters, qui terrorisent la population et assurent un ordre au goût du Kremlin (en s'enrichissant au passage par le trafic de pétrole et l'enlèvement contre rançon à grande échelle), pourraient-ils assurer la relève de l'armée russe? En tout cas Poutine repète depuis des mois que "la phase militaire des opérations antiterroristes est terminée" en Tchétchénie.
La "solution politique" de Poutine, Bush, Chirac...
Il ne resterait donc qu'à passer à la phase suivante, la prétendue "solution politique" qu'invoquent Poutine ainsi que les chefs d'État et de gouvernement occidentaux qui évitent ainsi d'appeler par son nom cette sale guerre menée contre tout un peuple.
En mars, le Kremlin avait rodé la chose en faisant adopter par référendum en Tchétchénie une constitution proclamant l'intégration de cette république à la Fédération de Russie. Ce scrutin sous haute surveillance militaire et dont les indépendantistes étaient écartés se solda par une écrasante majorité de "oui".
Le 5 octobre Poutine a récidivé, sous l'oeil gourmand de Raffarin venu chercher le jour même à Moscou des contrats pour la vingtaine d'industriels qui l'accompagnaient. Ont-ils été les premiers à féliciter Poutine pour sa "victoire", doublant ainsi sur le fil leurs concurrents britanniques, allemands et américains? Le gaz et le pétrole russes, ainsi que les bonnes affaires qui se traitent en ce moment au salon d'entreprises françaises à Moscou, France Tech Russie, pèsent bien plus lourd pour tous ces gens-là que le sort des habitants de la Tchétchénie.
"La Russie est un partenaire prioritaire de la France", a déclaré Raffarin à la presse russe, et il s'agit de "donner une nouvelle impulsion à nos relations économiques". Certes il y a la Tchétchénie, une "douloureuse question", a-t-il dit. Raffarin ne s'est pas mouillé, c'est le moins qu'on puisse dire, et s'il n'a pas ajouté que la France a aussi ses "Tchétchénies" -au Rwanda, en Côte-d'Ivoire, pour ne citer que les plus récentes-, que les USA et la Grande-Bretagne ont l'Irak... c'est qu'on est entre brigands du même monde. Alors, pas question de parler de choses qui fâchent, et surtout qui pourraient faire capoter de profitables contrats.