Tchétchénie : Petit bilan d'une sale guerre09/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1836.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchétchénie : Petit bilan d'une sale guerre

C'est dans les derniers mois d'existence de l'Union soviétique, en 1991, que différents chefs de clans dirigeants de Tchétchénie, comme leurs homologues de la bureaucratie des autres régions de l'URSS, confisquèrent le pouvoir local et les sources de richesses allant avec.

En Tchétchénie et dans d'autres régions périphériques de l'URSS, cette ruée sur le pouvoir prit d'emblée un tour guerrier. Cela, d'ailleurs, avec l'appui de clans dirigeants russes qui, trop occupés à leurs propres luttes de pouvoir au sommet, et affaiblis par elles, n'avaient pas les moyens d'assurer leur autorité dans le pays.

Ainsi, Eltsine et son entourage soutinrent les indépendantistes tchétchènes et bien d'autres contre le pouvoir central en URSS. Une fois l'URSS disparue, ils armèrent même parfois certains mouvements, en espérant ainsi faire pression sur d'ex-républiques soviétiques, telle la Géorgie voisine de la Tchétchénie.

Ils se retrouvèrent alors avec une situation échappant à leur contrôle dans certaines régions de Russie même, avec des clans locaux décidés à défendre, les armes à la main, leurs petites affaires et grands trafics, y compris en proclamant l'indépendance de leur fief. C'est en Tchétchénie que cette situation prit le tour le plus sanglant, sur fond de complicité entre des clans dirigeants russes et locaux, unis et rivaux tout à la fois autour de la manne pétrolière régionale et d'autres sources d'enrichissement rapide.

Quand le président russe Eltsine lança son armée sur la Tchétchénie en 1994, il ne réussit qu'à dresser contre elle la majeure partie de la population. Le pays fut ravagé durant plus de deux ans, mais la résistance fut telle que Moscou dut accepter un cessez-le-feu et promettre la tenue d'élections qui décideraient de l'avenir de la Tchétchénie. En 1997, les Tchétchènes élurent un président indépendantiste, Maskhadov.

La fronde des chefs d'autres régions de Russie contre le Kremlin risquait d'en être relancée. En 1999, quand Poutine fut choisi par Eltsine pour lui succéder, il décida de faire un exemple du "pouvoir fort" qu'il voulait incarner dans tout le pays. Les troupes qu'il jeta à l'assaut de la Tchétchénie y dévastèrent les rares infrastructures économiques que la première guerre n'avait pas mises à bas. Dans les villes, de nouvelles ruines s'ajoutèrent aux façades éventrées par la précédente guerre. La moitié au moins de la population dut s'exiler.

Et depuis plus de trois ans, cela continue. Poutine fanfaronne sur la "fin des opérations antiterroristes", mais son armée n'a toujours pas capturé Maskhadov ni les chefs de la résistance. Pire pour le Kremlin, même s'il a officiellement 80000 hommes sur place (bien plus en réalité), ils n'arrivent pas à tenir le terrain, en tout cas pas à empêcher les coups de main contre leurs bases et les symboles du pouvoir. En Russie même, les attentats et opérations des indépendantistes se multiplient, y compris dans les grandes villes. Ainsi récemment à Saratov ou à Moscou, il y a juste un an, dans ce théâtre où les forces spéciales russes massacrèrent pêle-mêle preneurs d'otages, spectateurs et employés.

Le pouvoir russe a beau dire qu'il n'a face à lui que deux mille "terroristes internationaux" et annoncer les éliminer par dizaines chaque semaine, ces "morts sont vite remplacés", a déclaré un porte-parole militaire russe. Comment ne le seraient-ils pas, dans une population que les dirigeants russes vouent au désespoir, quand jeunes et vieux constatent chaque jour que l'armée massacre et pille, que ceux auxquels le Kremlin confie le pouvoir, les hommes de main de Kadyrov, ne se distinguent en rien des chefs de guerre indépendantistes, les "terroristes", dit Poutine, sinon peut-être par plus de cruauté et de cupidité?

En six ans de guerre, l'armée russe aurait déjà perdu plus de soldats qu'en dix ans de guerre en Afghanistan. La Tchétchénie comptait un peu plus d'un million d'habitants avant ce drame: 20% d'entre eux, selon des organisations humanitaires, seraient morts dans ce que, d'Eltsine à Poutine, les dirigeants russes refusent de qualifier de guerre.

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