Un pâté de cheval et d'alouette... sans alouette !09/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1836.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Un pâté de cheval et d'alouette... sans alouette !

Il ne se passe décidément pas de semaine sans que le gouvernement Chirac-Raffarin n'envisage une nouvelle mesure contre les travailleurs. Depuis quelques jours c'est la loi sur les 35 heures qui est dans la ligne de tir de nos gouvernants.

Première étape: Alain Lambert, ministre du Budget, affirme que les 35 heures sont responsables du déficit du budget, parce qu'elles coûteraient 15 milliards à l'État.

Premier mensonge: ce ne sont pas les 35 heures qui coûtent de l'argent à l'État, mais les diminutions de charges sociales prévues par la loi Aubry et que les patrons ont empochées sans se préoccuper de leurs conséquences budgétaires.

Deuxième mensonge: il s'agirait de "réhabiliter le travail", comme dit Raffarin, car pour ces gens-là, revaloriser le travail, ce n'est pas améliorer les salaires et les conditions de vie des travailleurs, mais les contraindre à travailler encore davantage.

Deuxième étape: François Fillon, ministre des "Affaires sociales", affirme qu'il "n'y aura pas de grand soir des 35heures", en clair, qu'il n'a pas l'intention de demander l'annulation pure et simple de la loi Aubry. Le contraire aurait été étonnant, et les propos de Fillon n'ont, en fait, rien de rassurant pour les travailleurs, car dans la loi Aubry il y avait beaucoup plus à gagner pour le patronat que pour les travailleurs.

Pour nombre d'entre eux, celle-ci s'est traduite par une "flexibilité" accrue du travail, comme disent les patrons, c'est-à-dire par des horaires encore plus déments, la perte d'une bonne partie de leurs samedis, des heures supplémentaires non payées, toutes choses sur lesquelles ni le Medef, ni le gouvernement n'ont envie de revenir. Les seuls éléments de la loi Aubry que le patronat rêve de supprimer, ce sont la "RTT" (souvent très relative d'ailleurs pour beaucoup de travailleurs, car calculée en n'incluant pas dans le temps de travail les temps des pauses précédemment allouées) et les limitations contenues dans la loi quant au nombre d'heures supplémentaires autorisées.

Autrement dit, la loi Aubry, présentée comme une conquête sociale, c'était le célèbre pâté d'alouette et de cheval (un cheval pour une alouette). Et le patronat comme le gouvernement voudraient bien aujourd'hui en retirer l'alouette!

Vouloir augmenter la durée du travail pour ceux qui ont un emploi, dans un pays où les plans de licenciements succèdent aux plans de suppressions d'emplois et où le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter au fil des mois, constituerait en outre une aberration si le véritable but du gouvernement était de lutter contre le chômage. Seulement, l'augmentation du chômage n'est pas faite pour déplaire aux industriels et aux banquiers, car elle pèse sur toute la classe ouvrière, en permettant aux patrons de dire en substance aux travailleurs qui revendiquent que, s'ils ne sont pas contents, il y en a des milliers dehors qui pourraient prendre leur place.

Et pour les hommes qui défendent au gouvernement les intérêts des classes possédantes, le chômage n'est rien d'autre qu'un prétexte pour multiplier les aides de toutes sortes aux entreprises, c'est-à-dire aux gros actionnaires. C'est bien pourquoi Raffarin et Fillon n'envisagent absolument pas de supprimer les diminutions de charges sociales instaurées par la loi Aubry.

Après que le gouvernement a ouvert le feu contre les 35heures, François Fillon s'est finalement déclaré opposé à légiférer actuellement sur le sujet et s'est déclaré partisan de laisser les "partenaires sociaux", c'est-à-dire le Medef et les confédérations syndicales, trouver un accord. Ce qui n'a rien de rassurant, car c'est après une telle "concertation" que le gouvernement a entériné des accords prévoyant une augmentation du nombre de trimestres travaillés pour pouvoir obtenir une retraite à taux plein.

Mais dans cette valse-hésitation de Raffarin sur la manière de s'attaquer au peu qui pouvait être favorable aux travailleurs dans la loi Aubry, il y a aussi la crainte des réactions du monde du travail. Et celui-ci pourrait bien finir par mordre la main qui s'efforce de lui faire avaler ces pilules amères.

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