Depuis l'annonce du licenciement de 3000 travailleurs (sur 9000 employés directement par Ford), la riposte des ouvriers s'organise lentement. La déclaration patronale du 1eroctobre a eu d'abord l'effet d'un coup de massue et, lors des assemblées syndicales du lundi 4, il y eut très peu de réactions. Bien qu'en grève de 24 heures, les ouvriers abasourdis quittaient directement l'usine et rentraient chez eux avec les bus de la compagnie. Seul un petit noyau de militants occupaient les piquets et "battaient le sol dur" autour de feux de pneus.

Le reste de la semaine les travailleurs, à l'appel des syndicats, arrêtaient le travail deux heures plus tôt. Mais à la fin de la semaine les travailleurs ont fait de nouveau 24 heures de grève, suite à une information diffusée dans la presse flamande locale: la Sûreté de l'État était au courant dès juin dernier que "les Américains auraient voulu sanctionner la Belgique pour son attitude hostile pendant la guerre contre l'Irak"!

Les organisations syndicales ont fait sortir les trois équipes sur le thème "démission de Louis Michel" (le ministre des Affaires étrangères, un libéral francophone). Cela ressemble à une manoeuvre de diversion pour détourner la colère des ouvriers de Ford contre les politiciens, et non plus contre le patron. Il faut dire que, dès le départ, les trois syndicats déclaraient ne pas en vouloir à la direction belge de l'usine, mais bien aux responsables européens du groupe.

Une manifestation pour l'emploi devrait avoir lieu à Genk, à l'appel du front commun syndical.

Les restructurations et licenciements ne touchent pas que le siège belge de Ford. En Allemagne, 1700 emplois vont être supprimés sur le site de Cologne, l'un de ses grands sites de production en Europe et qui est aussi le siège continental de Ford, avec celui de Saarlouis (Allemagne), de Valence (Espagne) et de Southampton (Grande-Bretagne).

Officiellement, Ford veut économiser 10% de sa masse salariale et s'apprête aussi à supprimer 5000 postes aux États-Unis.

Les 3000 emplois perdus à Genk (1500 en équipes de nuit et 1500 répartis sur les deux équipes de jour) sont bien évidemment une catastrophe pour la région, le Limbourg, déjà durement frappée par les fermetures et les licenciements: en 1995 la fermeture des dernières mines de charbon et l'an dernier la fermeture de Philips et Siemens ont encore accéléré le processus. Au total, avec les conséquences chez les sous-traitants de Ford, ce sont 12000 emplois qui vont maintenant passer à la casse.

L'usine belge produit des Mondéo et des Transit et attendait 900 millions d'euros pour la production de quatre nouveaux modèles: Galaxy, Focus, Crossover et la nouvelle Mondéo. Finalement, c'est le site de Valence qui a été choisi et la production des Transit devrait être délocalisée en Turquie.

Le jour de l'annonce de la perte des 3000 emplois, l'action Ford a gagné 3% à la Bourse de New-York!

Les trois syndicats, chrétiens, socialistes et libéraux en front commun, déclarent vouloir faire pression sur la direction européenne du groupe. Ils bloquent la sortie des Transit et des pièces pour les autres sites. Mais ils ne veulent pas organiser une riposte trop forte pour la défense des 3000 emplois car, selon eux, "il y a un risque de tout perdre pour les 6000 restants!"

Par contre, ils ont fait une série de déclarations contre les "gauchistes". C'est le cas en particulier du syndicat ABVV-Metaal (FGTB-socialiste), dont le président Jorissen s'était déjà chargé de la fermeture de Renault-Vilvorde (1997), de la Sabena (2001), des licenciements chez Cockerill-Sambre (2003) et maintenant chez Ford. C'est lui également qui avait liquidé la délégation syndicale des Forges de Clabecq (et d'Orazio) jugée trop combative!