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Leur société
Dialogue social du gouvernement : Un retour en arrière
François Fillon, le ministre du Travail, a fait déposer vendredi 24 octobre devant le Conseil d'État le projet de loi qui modifierait les règles de la négociation sociale dans le pays. Ce que le représentant du gouvernement appelle très pompeusement «la Refondation de la démocratie sociale» porte pour l'essentiel sur la prise en compte d'une vieille revendication du patronat: la possibilité dans chaque entreprise de faire adopter des droits inférieurs à la loi et aux conventions collectives. Si le projet de Fillon était adopté, il s'agirait d'un recul important par rapport la situation actuelle qui n'est déjà pas bien brillante.
Il y a bien longtemps que les conventions collectives applicables dans les entreprises, en particulier dans les grandes, sont très éloignées de la situation réelle des salariés, puisque les salaires, les conditions de travail, les congés et surtout la réduction du temps de travail, sont bien souvent régis par des accords d'entreprise. Mais il n'empêche que dans la situation actuelle, où les travailleurs sont confrontés aux attaques permanentes de la part de leur patron, les conventions collectives représentent une sorte de filet de protection, surtout dans les entreprises moyennes et petites: c'est le minimum garanti pour tous les salariés, et cela indépendamment du rapport de forces à l'intérieur de l'entreprise.
Jusqu'ici, il existe en France un principe qui fait qu'un accord d'entreprise ne peut être inférieur à la convention collective, et une convention collective ne pouvait être inférieure aux garanties prévues dans la loi. C'est bien cela qui dérange les patrons. Entre autres à cause de la crainte du chômage, les patrons pensent dorénavant pouvoir imposer, entreprise par entreprise, des conditions de travail ou des salaires plus profitables pour eux. Et c'est pour cela que les représentants des patrons regroupés au sein du Medef réclament au gouvernement une nouvelle loi qui leur permette d'imposer plus facilement leurs diktats.
Le gouvernement espère que son projet ne soulèvera pas trop de vagues grâce à la concession faite aux deux principaux syndicats, la CGT et la CFDT, d'instaurer une règle majoritaire devant leur permettre de se retrouver les interlocuteurs privilégiés lors de futurs accords. Ainsi, les accords ne seraient validés à l'avenir que s'ils sont signés par les syndicats ayant recueilli la majorité des voix aux élections professionnelles d'une entreprise. Mais bien que l'ensemble des confédérations syndicales se soient déclarées hostiles à ce projet de loi, cette nouvelle attaque dont les travailleurs pourraient faire les frais a été préparée et au moins facilitée par la politique de l'ensemble des confédérations syndicales, qui toutes ont contribué à dévaloriser les conventions collectives en jouant le jeu des accords maison.
La classe ouvrière n'est forte que de son nombre, de sa conscience collective d'avoir des intérêts communs à défendre. Cette conscience ne peut se forger que dans des combats pour des revendications communes. La volonté du gouvernement de prendre le chemin opposé, pour faciliter la tâche aux patrons, ne peut qu'inciter, plus que jamais, à refuser les divisions.