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Proche-Orient : Cheikh Yassine assassiné, le terrorisme de l’État israélien à l’oeuvre
L'assassinat du chef du Hamas, cheikh Yassine, au matin du lundi 22 mars, a bouleversé la population palestinienne des Territoires occupés. Une foule estimée à 200000 personnes, où tous les membres des diverses factions palestiniennes étaient rassemblés, a porté son linceul en terre, criant sa haine à l'égard des commanditaires et des complices de cet assassinat.
L'armée israélienne avait déjà tenté d'assassiner Yassine en septembre 2003. Une bombe avait alors pulvérisé l'étage où était censée se dérouler une réunion entre le cheikh et d'autres membres de la direction du Hamas. C'est dire que cet assassinat qui vient d'avoir lieu était envisagé, programmé même. D'ailleurs, après l'attentat palestinien perpétré le 14 mars dernier dans le port israélien d'Ashod, l'armée avait publiquement obtenu le feu vert pour «éliminer les terroristes du Hamas». Dès lors, une «action de grande envergure» à l'encontre du Hamas était attendue.
Cet attentat ciblé, ce véritable acte terroriste qui a aussi fait sept autres morts et de nombreux blessés, ne résoudra évidemment aucun des problèmes qui depuis des décennies ensanglantent cette région du monde. Au contraire même. Les Sharon et autres jusqu'au-boutistes peuvent bien tuer des responsables palestiniens, détruire des maisons, bombarder des villes, accaparer toujours plus de terres, créer de nouvelles zones d'enfermement, provoquer en fait tout un peuple, jamais ils ne parviendront à briser la résistance de centaines de milliers d'hommes et de femmes qui se battent pour leur droit à la vie, pour leur dignité.
La situation qui prévaut à Gaza est d'ailleurs révélatrice de cette tragédie. Sur cette bande de terre de 362 km2 vivent 1,2 million de Palestiniens et 7500 Israéliens répartis en 21 colonies. Pour protéger ce peu de colons, une division entière de l'armée israélienne est déployée, avec toute sa logistique et son armement ultra-moderne. Pour mettre fin à l'occupation de toute la bande de Gaza et à ces implantations ruineuses, même du point de vue des intérêts israéliens, plusieurs gouvernements avaient déjà envisagé de la quitter, sans jamais mettre leur prétendue volonté à exécution.
Le gouvernement Sharon a lui aussi dit vouloir évacuer Gaza. Il a même annoncé qu'il démantèlerait unilatéralement 17 des 21 colonies, mais pas avant l'élection présidentielle aux États-Unis, qui doit avoir lieu en novembre prochain. Et si retrait des forces israéliennes il y a, il devrait durer un an et demi. C'est dire que d'ici là les intentions aujourd'hui proclamées peuvent être oubliées.
Bien des commentateurs voient une corrélation entre le retrait à venir de Gaza par l'armée israélienne et l'assassinat du cheikh Yassine. Le but de Sharon serait de rendre la situation à Gaza explosive, incontrôlable, en particulier pour l'autorité palestinienne. Dans ce scénario fou, la disparition de Yassine, qui à plusieurs reprises s'était pourtant déclaré favorable à des cessez-le-feu, voire même à des compromis avec les gouvernants israéliens, plongerait Gaza dans des troubles incontrôlables pouvant conduire à une guerre quasi ouverte entre le Fatah de Yasser Arafat et le Hamas.
Cette politique du pire, du désastre même, comme le disent certains, est-ce ce que cherche Sharon? Cela est bien possible, tant la violence à l'égard des Palestiniens fut et reste inhérente à toute la politique sioniste. Israël s'est construit sur la dépossession d'un peuple, spolié et humilié depuis plus de cinquante ans maintenant. Sa haine à l'égard des dirigeants sionistes et la légitimité de ses aspirations à retrouver ses droits nationaux ont servi de terreau au développement de mouvements nationalistes, peu ou pas religieux dans un premier temps, ultra-religieux dans un second temps.
Cela peut paraître paradoxal, mais les mouvement religieux comme celui des Frères musulmans, auquel Yassine a longtemps appartenu, furent dans les années 1980 favorisés par les dirigeants israéliens qui entendaient se servir d'eux pour limiter l'influence du Fatah. Mal leur en prit. Dès que ces mouvements eurent acquis une certaine base de masse, ils reflétèrent à leur façon quelques-uns des sentiments et quelques-unes des volontés de la population, dévoyant ainsi son combat national et social dans la voie d'affrontements désespérés, utilisant notamment comme moyens d'action les actes terroristes et les attentats suicides à l'encontre des civils israéliens.
Malheureusement, alors que la politique agressive des dirigeants israéliens vise à créer un fossé toujours plus grand entre la population israélienne et les aspirations pourtant légitimes des Palestiniens, cette politique des groupes islamistes palestiniens accentue encore ce fossé. En même temps, elle aboutit à soustraire tous les actes de la résistance militaire au contrôle de la population palestinienne, pourtant la première concernée.
Mais, dans le conflit qui oppose les gouvernants israéliens à la population palestinienne, notre solidarité va à cette dernière, quels que soient les dirigeants qu'elle s'est choisi, tout simplement parce que son combat est juste et parce que la principale responsabilité dans la situation actuelle appartient aux dirigeants israéliens et à leur politique brutale d'agression, qui depuis des décennies bafoue les droits élémentaires de tout un peuple. Et malheureusement, avec l'assassinat du cheik Yassine, le 22 mars, ils semblent avoir franchi encore un pas dans la voie de l'aggravation du conflit.