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Leur société
Le retour du fisc prodigue
Qui osera encore dire que le gouvernement de Raffarin n'a d'autre réponse que la répression face à la délinquance ?
Présentant, sur France 2, les mesures qu'il propose en faveur des plus démunis, Raffarin a beaucoup parlé du "plan de cohésion sociale" que doit mettre en oeuvre son ministre Jean-Louis Borloo. Jolie formule, sauf qu'elle ne veut rien dire, et qu'il n'y a pas un sou pour financer ledit plan. En particulier la construction de quelques logements HLM qui en constitue le principal volet.
Qu'à cela ne tienne. Raffarin, à défaut de vouloir prendre l'argent là où il est, chez les riches, a décidé d'aller le prélever à dose homéopathique là où il n'est plus, c'est-à-dire chez les riches qui ont laissé s'enfuir leurs capitaux vers des paradis fiscaux. Il s'agirait donc, même si Raffarin refuse le vilain mot, d'une amnistie, offrant aux bourgeois de pouvoir rapatrier leurs capitaux vers la France en échange de l'abandon de toute poursuite, remplacée par une taxe modique. D'autant plus modique qu'il s'agit d'attirer le chaland, et que si l'on veut espérer convaincre quelques fraudeurs de faire repasser de leur plein gré la frontière en sens inverse à leurs capitaux, mieux vaut se montrer conciliant. Côté efficacité, on peut avoir quelques doutes. Le rapatriement de ces capitaux reste soumis au bon vouloir de leurs possesseurs qui ont allègrement contourné la loi et disposeront en toute liberté de leur argent. Tellement librement -ne vivons-nous pas dans un pays de "libertés"?- que rien ne les empêchera de le refaire évader quelques semaines plus tard s'ils en ont envie. D'ailleurs, des partisans de cette mesure, se basant sur les résultats d'actions déjà entreprises dans ce sens en Italie ou en Allemagne, ne prévoient que des rentrées fort modestes pour l'État.
Les socialistes n'ont pas raté l'occasion de dénoncer "une prime aux fraudeurs", et une mesure "immorale". Quant à Bayrou, qui ne manque pas une opportunité de tacler ses partenaires de l'UMP, il a joué les Père-la-vertu en s'indignant qu'on "avantage honteusement des gens qui ont pris la décision de faire fuir leurs capitaux pour ne pas payer d'impôts". Aucun de ces politiciens faussement indignés n'a cependant été jusqu'à réclamer une mesure qui permettrait de s'opposer à cette fraude fiscale, à savoir la levée du secret bancaire. Dame, on peut faire assaut de déclarations morales destinées aux électeurs et ne pas perdre le sens des responsabilités à l'égard des capitalistes. Le respect de la propriété privée, de sa toute-puissance et de ses secrets reste sacré pour ces politiciens. Pourtant, rendre possible que chaque salarié, comptable, employé de banque, puisse révéler publiquement tout mouvement de capitaux suspect, serait un moyen simple et efficace d'empêcher les riches de pratiquer cette évasion fiscale.
En fait, la seule méthode, si l'on peut dire, utilisée par tous les gouvernements pour "lutter" contre la fraude fiscale, y compris l'évasion des capitaux, a été de baisser de mille manières les impôts des plus riches. Les seules baisses d'impôts sur le revenu appliquées par Raffarin depuis trois ans, et qui ont profité surtout aux plus fortunés, ont coûté à l'État, en manque à gagner, des centaines de fois ce que rapportera, au mieux, la future amnistie. Pas besoin d'être devin pour savoir dans quelle escarcelle va la différence.
Si on ne sait pas si les éventuels logements pour les pauvres que fera peut-être construire Borloo auront droit à de la moquette, pour les riches, le gouvernement continue à dérouler le tapis rouge.