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G8 : "Micro-crédits" et maximum d'hypocrisie
En prévision du sommet des dirigeants des puissances les plus riches, le "G8", qui doit se tenir du 8 au 10 juin, Chirac a commencé à se glisser dans le rôle d'ami des pays du Tiers-Monde. Pour ce faire il a invité Mohammed Yunus, économiste originaire du Bangladesh présenté comme "l'inventeur du micro-crédit", la solution miracle, une de plus, pour lutter contre la pauvreté.
L'origine de cette théorie du micro-financement se situe, nous dit-on, dans son pays au milieu des années 70. Après la terrible famine de 1974 qui fit périr des dizaines de milliers de pauvres au Bangladesh, Yunus se pencha, paraît-il, sur le sort que connaissaient les habitants des villages alentour, tenaillés par la faim. Il se concentra sur 42 villageois, fabricants de tabourets en bambou, réduits à la quasi-servitude par les usuriers. Il leur prêta de sa poche 27 dollars... et fut remboursé. Bref une belle histoire!
La panacée préconisée par Yunus, qui se résume à ce que chaque pauvre fasse preuve de débrouillardise pour se créer un emploi ou un moyen de subsistance en empruntant de l'argent à des taux d'intérêt de 4 à 12% le mois, est illustrée par d'autres exemples plus illusoires les uns que les autres: un micro-crédit pour l'achat en ville d'un fût d'huile destiné à être écoulé à la cuiller dans les villages ou encore l'exemple, dont se vante Yunus lui-même, de femmes du Bangladesh n'ayant souvent jamais connu ni le téléphone ni même l'électricité mais qui ont pu se procurer à crédit un téléphone cellulaire qu'elles louent à des villageois!
Chirac, emboîtant le pas à des spécialistes de la Finance, ne craint pas le ridicule en présentant le micro-crédit comme une solution miracle, qui arrive opportunément au moment où les pays riches réduisent ce qu'ils appelaient l'aide publique au développement, et qui profitait pourtant déjà bien peu aux peuples des pays pauvres. Micro-crédits ou micro-finance sont devenus les nouveaux mots gadget pour recouvrir les vieilles recettes capitalistes qui ne visent, en l'occurrence, qu'à faire du profit même sur le dos des plus démunis. D'ailleurs, certaines mauvaises langues disent que cette formule permettrait à des trusts comme l'Oréal de financer pour pas cher des coiffeurs dans les pays du Tiers-Monde, ou comme Sanofi, de former des pharmaciens à bon compte, et ainsi de pénétrer les marchés de ces pays. Le bon coeur n'est jamais loin du portefeuille.
Autre exemple, en France celui d'Attali, ancien conseiller personnel de Mitterrand. Mis en examen il y a trois ans dans le cadre de l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, la Justice lui demanda la provenance d'un million de francs dont il avait été le bénéficiaire. L' avocat d'Attali répondit alors que son client avait perçu cette somme "pour examiner si l'Angola pouvait mettre en place un système de micro-crédits aux gens les plus pauvres de ce pays. C'est un versement tout à fait justifié". En fait de conseils, ce n'est même pas Attali qui les aurait fournis puisqu'il avait sous-traité l'affaire à un cabinet qui ne lui factura que 300000 F... Et bien sûr il affirma qu'il n'était pas au courant que l'argent reçu provenait de la société de Pierre Falcone, Brenco, qui était au centre de cette affaire de trafic d'armes avec l'Angola.
Qu'à cela ne tienne, depuis, Attali a fondé PlaNetFinance (Organisation de Solidarité Internationale contribuant à la professionnalisation et au financement des institutions de microfinance, rien que ça!) qui comprend dans son comité d'honneur des hommes aussi préoccupés par la lutte contre la pauvreté qu'Édouard Balladur ou Jean-Marie Messier. Et bien sûr Chirac n'a pas manqué d'inviter Attali, un expert, à sa petite causerie élyséenne sur la pauvreté.