Liban : De la mitraille pour les manifestants03/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/06/une-1870.gif.445x577_q85_box-0%2C16%2C161%2C224_crop_detail.png

Dans le monde

Liban : De la mitraille pour les manifestants

Jeudi 27 mai, dans un quartier populaire de Beyrouth, l'armée libanaise a tiré sur des manifestants qui protestaient contre la cherté de la vie, tuant sept personnes et en blessant au moins dix-sept autres.

La CGTL (Confédération Générale du Travail-Liban) avait appelé à une journée de grève générale pour protester contre la politique fiscale du gouvernement et le poids sans cesse croissant des impôts indirects, qui écrasent les plus démunis. Les manifestants réclamaient notamment une baisse du prix de l'essence, qui a presque doublé en un an. Le mouvement de grève fut largement suivi, plusieurs dizaines de milliers de personnes participèrent aux manifestations.

"Des manifestants qui s'étaient rassemblés à Hay-as-Soulom, un quartier densément peuplé de la banlieue sud, se préparaient à rejoindre le point de rassemblement principal, devant le musée de Beyrouth, où un sit-in était prévu", relate le quotidien libanais L'Orient-Le Jour; "des soldats sont intervenus pour ouvrir les routes bloquées et ont tiré sur les manifestants, tuant l'un d'entre eux et en blessant trois autres". Des véhicules blindés sont ensuite entrés dans Hay-as-Soulom et les soldats ont quadrillé le quartier, frappant avec violence des manifestants jetés à terre.

La colère est alors montée: d'autres manifestants ont bloqué pendant trois heures l'aéroport de Beyrouth et, dans un autre quartier populaire, des barrages de parpaings ont été érigés. Tout l'après-midi, les manifestants se sont heurtés aux forces de l'ordre. Le ministère du Travail a été pris d'assaut et incendié, après que quelque 300 jeunes eurent désarmé les gendarmes en faction.

Après la guerre civile qui a ravagé le pays pendant des années, jusqu'à la fin des années quatre-vingt, le régime s'est reconstruit sur une inégalité sociale encore plus profonde qu'auparavant et insupportable aux classes populaires. Le pays est dominé par une poignée de familles extrêmement riches, qui se comportent en féodaux et accaparent toutes les richesses, tandis que la population vit dans la misère. La ville de Beyrouth a été reconstruite à cette image: un quartier de buildings ultra-modernes, réservé aux sièges des grandes sociétés et aux logements des plus riches, tandis que les travailleurs s'entassent dans des quartiers misérables et à l'abandon, comme ceux où les émeutes ont éclaté. Officiellement, le taux de chômage y est de 20%, certainement bien plus en réalité. Et tandis que les prix et les taxes augmentent, le poids du chômage fait baisser les salaires.

Et quand, face à "l'insatiable appétit d'une classe dirigeante à l'affût de toutes les bonnes affaires" (à commencer par le Premier ministre Rafic Hariri qui "possède" une bonne partie de Beyrouth) dénoncé par les quotidiens libanais eux-mêmes, la population "clame sa faim et son inquiétude du lendemain" et réclame le droit de vivre, on lui envoie l'armée qui tire à balles réelles.

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