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- Lutte ouvrière n°1871
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Dans les entreprises
Grève à l'EDF : Où sont les véritables preneurs d'otages ?
Suite aux coupures de courant organisées par les travailleurs de l'EDF et assumées par les dirigeants CGT de l'EDF, coupures qui ont provoqué des perturbations du trafic SNCF sur le réseau de la banlieue parisienne, les ministres et la presse, tout particulièrement les images des journaux télévisés, ont montré du doigt, une nouvelle fois, «ces minorités qui prennent les usagers en otages».
Ils s'étranglent de voir des salariés user des moyens dont ils disposent pour faire entendre leurs exigences. Mais s'ils y réussissent, n'est-ce pas justement la démonstration que sans eux et sans leur travail, l'économie ne pourrait fonctionner? Ce qui n'est pas le cas de celui de ces ministres qui les vilipendent.
Et pourtant il y a une minorité, bien moins nombreuse, et qui joue un rôle bien moins indispensable dans le fonctionnement de la collectivité, qui prend chaque jour des millions de salariés en otages, sans que cela provoque le même concert d'indignation de la part de toutes ces bonnes âmes de droite, et même «de gauche», comme le socialiste Jack Lang qui a jugé «ces méthodes (celles des électriciens) à la fois dangereuses et inefficaces». C'est la minorité constituée par les patrons et les gros actionnaires des grandes et moyennes entreprises. Elle exerce un pouvoir sans partage. Elle peut embaucher puis licencier quasiment à sa guise. Elle a de fait presque entièrement les mains libres pour bloquer les salaires, pour imposer des rythmes de travail de plus en plus épuisants aux salariés. Tout cela est considéré comme normal, comme sacré, comme intouchable. Cette minorité-là fait sa loi, et sa liberté se traduit par une dictature de fait sur toute la société.
Mais que des travailleurs se défendent, et du même coup défendent l'EDF en tant que service public, c'est le tollé. Or les vrais responsables des retards qu'ont subis les usagers des trains de banlieue ne sont pas les salariés d'EDF, légitimement en colère contre les conséquences annoncées de la privatisation de leur entreprise, mais ceux qui l'ont décidée: le gouvernement Raffarin, mais aussi son prédécesseur, celui de Jospin, qui avait depuis longtemps préparé cette privatisation. Ce sont ces gens-là qui, en réalité, prennent les usagers en otages, en préparant des lendemains où ils ne seront même plus assurés qu'il n'y aura pas de défaillance dans la distribution de l'électricité.
En s'opposant à la mainmise, même si elle reste limitée dans un premier temps, des capitalistes privés sur la production et la distribution de l'électricité, les salariés d'EDF ne défendent pas qu'eux-mêmes. Ils défendent la possibilité pour chacun, quels que soient sa situation et ses moyens, d'être relié au réseau de distribution, sans que la primauté soit donnée aux critères de rentabilité.