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Dans le monde
Irak : Les États-Unis dans le bourbier
À peine Bush avait-il fait voter à l'unanimité par les Nations Unies sa résolution sur l'Irak, qui pouvait passer aux yeux des électeurs américains comme un satisfecit accordé par les États du monde entier à sa politique en Irak, que la dure réalité de l'occupation américaine est revenue au premier plan de l'actualité avec une nouvelle vague d'attentats qui a secoué Bagdad. À quinze jours de l'échéance du 30 juin, date à laquelle le gouvernement provisoire devrait hériter de l'apparence du pouvoir, les États-Unis continuent de s'enfoncer dans le bourbier irakien.
Lundi 14 juin, un convoi de voitures de l'autorité provisoire irakienne a été frappé par une voiture bourrée d'explosifs, faisant seize victimes et une soixantaine de blessés. Parmi les morts, se trouvaient cinq agents de sécurité étrangers employés par la grande entreprise américaine General Electric. La multitude d'entreprises de sécurité qui opèrent en Irak attire en effet mercenaires et baroudeurs du monde entier.
L'attentat a eu lieu dans un quartier populaire de la capitale irakienne où la population, en même temps qu'elle aidait ses compatriotes blessés, a exprimé sa colère contre la présence des forces occupantes qui s'est traduite depuis un an par une insécurité croissante. Les unités blindées américaines stationnées non loin de l'attentat se sont bien gardées d'affronter ce mouvement de colère.
Depuis le 19 août dernier, date à laquelle le siège de l'ONU avait été attaqué, c'est le douzième attentat-suicide important qui frappe Bagdad. Parallèlement, il y a eu une série d'assassinats ciblés contre des hauts fonctionnaires du nouveau gouvernement provisoire du Premier ministre, Iyad Allaoui, mis en place le 1er juin.
Samedi 12 juin, Bassam Kouba, vice-ministre des Affaires étrangères, ancien ambassadeur de l'Irak en Chine et ex-collaborateur de Tarek Aziz était assassiné. Dimanche 13 juin, c'était le tour du directeur des Affaires culturelles au ministère de l'Éducation, Kamal al-Jarrah. Le même jour, un professeur de géographie de l'université de Bagdad, Sabri al-Bayati, connaissait le même sort, ainsi que deux officiers de police de haut rang, le général Hussein Abdul-Karim, chef de la police des frontières, et le général Majid Almani Mahal, l'un à Bagdad, l'autre à Bakoura, au nord de la capitale. À cela s'ajoutent de multiples attentats à la bombe contre la police irakienne et les forces américaines. En tout cas, haut fonctionnaire de l'actuel gouvernement est devenu un métier à risques.
Selon le calendrier fixé par Washington, le 30 juin prochain, l'administration américaine de Paul Bremer doit passer la main au gouvernement d'Iyad Allaoui, qui doit en théorie préparer des élections pour 2005. Allaoui, un ancien collaborateur de la CIA, avait déclaré dès sa nomination qu'il n'était pas question que l'armée américaine quitte l'Irak. Ce sont les États-Unis qui lui donnent le peu de légitimité qu'il peut avoir. Et ceux-ci font maintenant valoir le mandat de l'ONU que les chefs d'État impérialistes, Chirac compris, viennent de lui voter en échange de quelques promesses que les grandes entreprises non américaines auront accès aux miettes de la reconstruction tombées de la table des grandes entreprises américaines, Haliburton, General Electric, etc., grandes bénéficiaires de l'occupation.
Le gouvernement Allaoui n'est qu'une façade, la réalité du pouvoir restera entre les mains des États-Unis à travers l'état-major de l'armée d'occupation mais également par l'intermédiaire de l'ambassade des États-Unis à Bagdad qui dispose de trois mille employés, la plus grosse représentation américaine à l'étranger.
Mais ce dispositif n'est pas en mesure par lui-même d'assurer que le mécontentement de la population irakienne et l'activité des différentes milices s'opposant à l'occupation aillent en diminuant. Tout indique plutôt le contraire.
Les États-Unis et son paravent, le gouvernement provisoire irakien, sont pris au piège de l'occupation. Si les troupes américaines maintiennent leur présence en force, le mécontentement et la révolte de la population risquent encore de grandir, d'alimenter en combattants les différents groupes armés et d'accroître leur crédit politique. Mais si les troupes américaines quittaient l'Irak, l'actuel gouvernement provisoire ne fera pas long feu face à ces différents groupes qui entreraient alors en concurrence pour conquérir le pouvoir.
C'est bien la présence des troupes de la coalition qui accroît un peu plus chaque jour le chaos économique, politique et social dont la population irakienne paye le prix. Alors, les troupes des puissances impérialistes doivent évacuer l'Irak, elles et les grandes compagnies occidentales, pétrolières ou autres, arrivées en prédateurs dans les bagages de l'armée américaine...