Soudan : Répression sanglante au Darfour18/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/06/une1872.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Soudan : Répression sanglante au Darfour

Au Soudan, depuis un an et demi, une nouvelle guerre ravage la région du Darfour située à l'extrême ouest du pays. À ce propos, nous reproduisons ci-dessous l'article paru dans le mensuel Le pouvoir aux travailleurs, édité par nos camarades de l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes.

"La situation des paysans dans le Darfour est devenue préoccupante au point que le PAM (Programme alimentaire mondial) parle d'une catastrophe humanitaire qui pourrait faire "des dizaines de milliers de morts".

Alors qu'un accord est en passe d'être conclu à Washington entre le gouvernement soudanais et John Garang, leader du Mouvement de libération des peuples du Soudan, pour mettre un terme à une rébellion qui sévit dans le sud du Darfour depuis des années, un autre conflit fait des ravages dans l'ouest de la région.

Des hélicoptères continuent de tirer sur les villages; au sol, les "djandjanwids" achèvent le sale travail de l'aviation. Les "djandjanwids" (cavaliers armés) sont des milices composées d'Arabes, fortement équipés par le régime soudanais. Ils débarquent dans les villages à cheval ou à dos de chameau, et massacrent les paysans qui n'ont pas pu fuir; ils s'emparent de leurs troupeaux, pillent les habitations, violent les femmes, quant aux enfants, ils sont emmenés et certains réduits à l'esclavage.

La création de ces milices comme supplétifs de l'armée soudanaise ne fait qu'aggraver le vieux conflit entre populations arabophones nomades et négro-africaines sédentaires, c'est-à-dire entre éleveurs et paysans. Avant, quand un différend opposait ces deux groupes à propos du bétail allant brouter dans un champ ou dévaster les récoltes, cela se réglait à l'amiable, par dédommagement, sans recours à la violence. L'existence des "djandjanwids" a fait voler en éclats cette façon pacifique de régler un conflit, vieille de plusieurs décennies. Bien sûr, tous les éleveurs ne font pas partie des milices, mais la plupart bénéficient de leur protection.

On compte aujourd'hui 110000 personnes réfugiées au Tchad et 670000 déplacées qui se trouveraient dans une situation très précaire. En effet, depuis l'échec des négociations entre le gouvernement soudanais et les rebelles du Mouvement de libération du Soudan (LMS), avec la médiation du Tchad, l'armée soudanaise déploie de gros moyens militaires pour en finir avec ce mouvement né en décembre 2002. Les rebelles accusent le régime du général Béchir de pratiquer une politique d'exclusion des minorités noires, notamment celles du Darfour, deuxième région la plus peuplée du Soudan. Ces populations ne bénéficient pas non plus des infrastructures comme celles des régions du Nord. C'est cette politique d'exclusion et d'abandon qui les a poussés à prendre les armes.

Le gouvernement soudanais soupçonne le régime tchadien de soutenir ces rebelles dont la plupart appartiennent à la même ethnie qu'Idriss Déby (le président tchadien), les Zaghawa. C'est un fait que par le truchement de leurs proches demeurés dans la capitale tchadienne, les rebelles reçoivent armes et munitions. Des cadres de l'armée ont également rejoint le MLS. Est-ce pour cela que Khartoum n'hésite pas à poursuivre les rebelles soudanais au-delà de la frontière entre les deux pays? Et à tirer sur les camps de réfugiés à l'intérieur du Tchad? C'est ainsi que le 11 mai, un accrochage entre des éléments de l'armée tchadienne et une milice soudanaise a fait 61 morts de part et d'autre, selon des sources tchadiennes. Auparavant, en janvier, le gouvernement soudanais avait bombardé le camp de réfugiés de Tiné, en territoire tchadien. Il y eut trois morts et quatorze blessés graves parmi les réfugiés.

Pour éviter ces attaques, les organisations humanitaires ont demandé et obtenu le déplacement du camp vers l'intérieur du pays, loin de la frontière. Quant aux réfugiés, outre l'aide humanitaire pour le moment insuffisante, ils bénéficient de la solidarité des populations tchadiennes, surtout celle de leur ethnie. Malgré leur dénuement, elles font tout pour venir en aide à leurs frères.

Si rien n'est fait le plus rapidement possible pour secourir les réfugiés dont le nombre augmente à chaque attaque de l'aviation soudanaise relayée au sol par les milices djandjanwids, on risque, selon le PAM, de voir mourir "des dizaines de milliers de réfugiés."

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