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Russie : La guerre déborde la Tchétchénie
Lundi 21 juin, des commandos indépendantistes tchétchènes ont à nouveau fait parler d'eux dans le Caucase russe, notamment dans la république fédérée d'Ingouchie, voisine de la Tchétchénie, où ils ont non seulement attaqué des objectifs militaires au coeur de la capitale, Nazran, mais réussi à tuer le ministre et le vice-ministre de l'Intérieur ingouches, ainsi que divers personnages impliqués dans le maintien de l'ordre, dont les trois principaux procureurs de cette république.
Le mois dernier, cette fois en Tchétchénie même, c'était le président pro-russe local, Kadyrov, et plusieurs de ses collaborateurs qui étaient tués par une bombe placée sous la tribune officielle lors des cérémonies commémorant la victoire militaire soviétique sur l'Allemagne nazie.
Les indépendantistes tchétchènes, à l'origine de cet attentat comme des dernières attaques en Ingouchie, prouvent ainsi à nouveau que, malgré les rodomontades du président russe Poutine, ce dernier est loin d'avoir "normalisé" la situation en Tchétchénie. Malgré la présence de 80000 soldats russes sur place et malgré le fait qu'il s'appuie sur les bandes armées du clan des Kadyrov, auquel le Kremlin a donné carte blanche pour tenir en main la population tchétchène en la terrorisant, Poutine peut affirmer avoir mis hors d'état de nuire "bandits et terroristes" (car il ne parle jamais d'indépendantistes), il n'en est rien.
Les autorités russes, on vient d'en avoir la preuve coup sur coup, sont même incapables de protéger leurs marionnettes locales, tel le président-gangster Kadyrov, ou les plus hauts responsables du maintien de l'ordre dans les régions proches de la Tchétchénie. Celle-ci est occupée militairement et entourée d'un cordon de troupes censé l'isoler de ses voisines, elles-mêmes soumises à la loi martiale. L'ancien président ingouche, élu, mais pas assez ferme au goût de Poutine, a été remplacé par un général de la FSB, l'ex-KGB, la police politique. Mais rien n'y fait: c'est tout le Nord-Caucase qui s'enflamme périodiquement, sans que les autorités russes y puissent grand-chose.
Le 21 juin d'ailleurs, les indépendantistes tchétchènes n'ont pas seulement frappé dans la capitale ingouche. Ils ont pu le faire simultanément en plusieurs points de l'Ingouchie -prenant d'assaut des casernes de gardes-frontières, d'OMON (les CRS russes), enlevant des postes de contrôle militaire sur les routes, dont la voie express fédérale "Caucase" qu'ils ont coupée- ainsi que dans la capitale du Daghestan, une république située plus à l'est. Rien qu'à Nazran, selon les données de la police d'Ingouchie, 80 combattants auraient participé à l'attaque du ministère de l'Intérieur et une centaine d'autres à celles de bâtiments et bases militaires, apparemment sans que les forces de l'ordre les repèrent ou soient en mesure de les intercepter. Et cela, dans la capitale ingouche, quadrillée par l'armée et la police! Cela laisse imaginer la liberté de mouvement dont les indépendantistes, plus ou moins aidés par la population locale ou les réfugiés de Tchétchénie, bénéficient dans le reste de la région.
Le lendemain de ces coups d'éclat des indépendantistes tchétchènes, le ministère de l'Intérieur de la Fédération de Russie ne pouvait faire moins que de publier un communiqué où il prétendait "contrôler totalement la situation dans la république" d'Ingouchie. Le ridicule, lui, au moins ne tue pas. Et la chose serait risible si, derrière cette guerre des communiqués destinée à rassurer la population russe, sans y parvenir, il n'y avait une autre guerre, ô combien meurtrière: celle que le Kremlin mène à tout un peuple depuis dix ans en Tchétchénie et qui a, depuis longtemps déjà, largement débordé dans les régions voisines.