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- Lutte ouvrière n°1877
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Editorial
Il faut conserver les entreprises et délocaliser les patrons !
Le prétendu référendum organisé par la direction de l'usine Bosch de Vénissieux, destiné à légitimer une augmentation du temps de travail sans augmentation de salaire, imposée sous la menace d'une délocalisation de l'activité, est bien significatif de l'attitude du patronat et du gouvernement en ce qui concerne la remise en cause des 35 heures.
Si le Medef se plaint, comme toujours, de ce que le gouvernement n'en fait pas assez pour lui, le patronat ne souhaite pas l'abolition pure et simple de la loi à laquelle Martine Aubry, en tant que ministre socialiste du Travail de Jospin, a donné son nom. En effet, cette loi, dans la plupart des accords négociés avec les syndicats, a apporté aux employeurs des avantages non négligeables dans le domaine de la "flexibilité" du temps de travail et des clauses de "modération salariale".
En affirmant le 14 juillet que la durée légale de la semaine de travail resterait fixée à 35 heures, mais qu'il fallait "assouplir" la loi, Chirac allait tout à fait dans le sens du patronat. Il a certes ajouté qu'en matière salariale les travailleurs "devraient s'y retrouver sur leur feuille de paye", mais il s'est bien gardé de prendre position sur le cas de Bosch, où l'allongement de la durée du temps de travail ne se traduira par aucune augmentation.
Et Bosch ne restera sans doute pas un cas isolé. Ni en France, où la grande presse nous dit que de nombreuses entreprises sont intéressées (évidemment!) par cette formule. Ni à l'échelle européenne, puisque c'est le groupe Siemens, en Allemagne, qui a le premier donné l'exemple d'un tel chantage à la délocalisation.
Les patrons invoquent la concurrence internationale qui ne leur laisserait pas d'autres choix. Mais c'est un mensonge pur et simple car les grandes entreprises se portent très bien. Leurs dirigeants avouent des revenus colossaux et s'octroient des augmentations énormes. Et ils n'en décident pas seuls. Ils ne peuvent le faire qu'avec l'accord de leur conseil d'administration, c'est-à-dire des gros actionnaires, qui n'acceptent que parce qu'eux-mêmes ne cessent d'engranger des profits considérables.
C'est uniquement aux travailleurs qu'on demande toujours plus de sacrifices car la soif de profit des possédants est illimitée.
Il est de bon ton, parmi les journalistes au service de la bourgeoisie, d'affirmer que les idées marxistes -c'est-à-dire les idées sur lesquelles s'est construit le mouvement ouvrier- seraient dépassées, que les notions d'exploitation, de lutte des classes, n'auraient aujourd'hui plus de sens. Mais la réalité que vivent les travailleurs prouve le contraire: en rognant sur les salaires, en diminuant les effectifs par des licenciements ou des suppressions de postes, en augmentant les cadences de travail, en allongeant dans bien des cas, malgré la loi sur les 35 heures, le temps de travail réel, le patronat s'efforce sans cesse d'augmenter ses profits. L'exploitation capitaliste n'appartient pas qu'au passé.
À ces attaques constantes menées avec l'appui du gouvernement, nous devrons répondre un jour, si nous ne voulons pas voir une partie d'entre nous jetés à un moment ou un autre à la rue, pendant que ceux qui garderont un emploi devront supporter des conditions de travail de plus en plus difficiles, pour un salaire de plus en plus insuffisant. Et les travailleurs ne doivent pas seulement se défendre quand ils sont directement menacés par des licenciements ou soumis à des chantages à la délocalisation, quand ils ont le dos au mur, mais solidairement, tous ensemble, pour pouvoir utiliser la force que leur donne leur nombre et leur place dans la production.
La machine économique ne pourrait pas se passer des bras et des cerveaux du monde du travail. Mais elle pourrait tout à fait fonctionner sans les parasites qui accaparent les fruits du travail humain. La seule "délocalisation" justifiée, ce serait celle qui chasserait les capitalistes et qui nationaliserait toutes les grandes entreprises pour les mettre au service de toute la société, et pas du profit.
L'éditorial des bulletins d'entreprise du 19/07/2004