Troupes coloniales : Bons pour le casse-pipe, pas pour la pension23/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1899.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Troupes coloniales : Bons pour le casse-pipe, pas pour la pension

M. Mekachera, ministre des Anciens combattants du gouvernement Raffarin, vient de visiter 23 anciennes colonies pour y rencontrer les quelque 80000 anciens combattants de l'armée française. Les anciens combattants des troupes coloniales souhaitent toucher les mêmes pensions que les anciens combattants français.

Le ministre leur a naturellement servi le discours habituel: «Nous ne paierons jamais assez pour ce que les combattants [coloniaux] ont apporté à notre pays et à la cause de la liberté en Europe». Lors de la Deuxième Guerre mondiale, comme pendant la Première, l'armée française a largement employé les troupes coloniales. «Force noire, à consommer avant l'hiver», disaient les généraux français dans les tranchées de 1914-1918. Les tirailleurs sénégalais et les goumiers marocains étaient aussi en première ligne en juin 1940. La situation militaire a fait qu'ils constituaient une grande partie de l'infanterie française lors du débarquement de Provence, l'été 1944, et lors de la bataille d'Alsace, l'hiver 1944. Pendant ces deux batailles, les plus meurtrières pour l'armée française, entre la moitié et les deux tiers des morts étaient des soldats coloniaux.

Ces troupes, évidemment encadrées par des officiers français, étaient là pour faire valoir le «droit» de l'impérialisme français à conserver ses colonies, c'est-à-dire, entre autres, à envoyer les colonisés se faire tuer pour les intérêts des colonisateurs. Elles étaient loin de n'être constituées que de volontaires, il y avait la conscription, obligatoire comme sur le territoire de la métropole. Le colonisé n'avait pas les droits du citoyen français mais il en avait les devoirs, impôts et service militaire en temps de guerre. De plus, les soldats d'Afrique noire étaient souvent enrôlés de force, raflés purement et simplement dans les villages de brousse.

À la fin de la guerre, les soldats démobilisés sont devenus des anciens combattants. Mais, au fur et à mesure que les anciennes colonies accédaient à l'indépendance, les pensions de leurs anciens combattants étaient «cristallisées», c'est-à-dire bloquées. Ainsi, aujourd'hui, la pension d'un ancien combattant marocain est de l'ordre de 60 euros par trimestre, dix fois moins que celle d'un Français ayant les mêmes états de service.

Devant cette injustice criante et totalement contradictoire avec le discours officiel (l'État français est supposé avoir des rapports d'égalité et de fraternité avec ses anciennes colonies...), le gouvernement a fait un geste. M. Mekachera a dit à ces vieillards à qui on n'avait offert jusque-là que des médailles et des discours... qu'il n'était pas question de verser l'arriéré, ni même de payer la même chose qu'aux Français de France. La justice, pour le gouvernement, c'est d'augmenter un peu les pensions et de verser en fonction du niveau de vie du pays, de quoi acheter par exemple «200 kilos de sucre» répétait le ministre aux anciens. Pourquoi pas des verroteries et des coupons de tissu?

Un ancien combattant africain a dit: «Pour se faire tuer on est des Français, mais après on est des nègres», c'est toujours ce que pense le gouvernement français.

Partager