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Irak : Un gouvernement instable au milieu du chaos
En dépit des pressions de l'administration Bush, pressée de pouvoir se vanter de nouveaux «progrès» dans le processus «démocratique» en Irak, il aura fallu près de trois mois à l'Assemblée nationale irakienne élue le 30 janvier dernier pour se doter d'un gouvernement. Et encore celui-ci est-il incomplet, puisque sur trente-sept postes, sept n'ont pas de titulaire, y compris deux postes de vice-premier ministre, celui de la Défense et celui du Pétrole.
En fait on a assisté à une foire d'empoigne entre la multitude de factions et clans de tous ordres qui, depuis deux ans, se disputent les dépouilles du régime de Saddam Hussein et, dans la plupart des cas, les faveurs des grandes puissances occupantes. À cela se sont ajoutées les exigences de Washington dans le choix des hommes et dans la composition du gouvernement, qui devait représenter les principales composantes religieuses et ethniques plus ou moins en proportion de leur importance dans la population.
Le problème le plus épineux fut celui de l'attribution de postes gouvernementaux à des députés sunnites. Comme une grande partie des courants sunnites avaient boycotté les élections du 30 janvier, ils étaient sous-représentés dans l'Assemblée. Et les autres factions ne manquèrent pas de profiter de cette faiblesse pour tenter de les marginaliser à leur profit.
Dans ces conditions, on pouvait s'attendre à ce que ce gouvernement boiteux suscite l'hostilité de nombre de députés. C'est ce qu'a confirmé le geste d'un tiers d'entre eux qui ont choisi de boycotter la séance du 28 avril où ils devaient se prononcer sur sa composition.
Pour les forces d'occupation, ce gouvernement est taillé presque sur mesure, à l'instar des diverses structures fantoches qu'elles avaient appointées précédemment. D'ailleurs, et ce n'est pas un hasard, tous les hommes forts du nouveau régime avaient participé à ces structures.
C'est ainsi que le Premier ministre, Ibrahim al-Jaafari, fut dans les années 1990 le porte-parole du parti Dawa (l'un des deux grands partis religieux chiites) à Londres et, à ce titre, le représentant de ce parti auprès des gouvernements impérialistes. De son côté, le ministre de l'Intérieur (et responsable des services secrets), Bayan Jabr, joua le même rôle, mais pour le compte du Conseil Suprême de la Révolution Islamique en Irak. Qui plus est, en tant que haut dignitaire de l'aile armée de ce parti, il apporte le soutien de cette milice, au moins pour l'instant. À côté de ces deux poids lourds des grands partis religieux, on retrouve des chevaux de retour comme le banquier véreux et ex-poulain de la CIA Ahmed Chalabi, qui prend temporairement le Pétrole, ou encore son beau-fils, un pur produit de Wall Street, aux Finances.
Mais si un tel gouvernement convient aux leaders impérialistes, quelle autorité réelle peut-il avoir dans le pays et dans quelle mesure peut-il mettre fin au chaos politique qui y règne?
La légitimité qu'il a acquise par les élections du 30 janvier est pour le moins sujette à caution. Car malgré les 67% de participation électorale dont s'étaient vantés Washington et Londres au lendemain du 30 janvier, des estimations effectuées depuis par des groupes de défense des droits de l'homme indiquent que la participation réelle n'a pas pu être supérieure à 50% et qu'elle est loin d'avoir atteint les chiffres astronomiques annoncés dans les grandes villes chiites du sud.
Le spectacle peu ragoûtant des marchandages qui se sont déroulés au cours des trois mois écoulés n'a sûrement rien fait pour rehausser le prestige du nouveau pouvoir en soulignant l'avidité des factions parties prenantes du «processus démocratique» dans la chasse aux bonnes places.
Certaines de ces factions jouent d'ailleurs sur tous les tableaux. Ainsi celle de l'imam intégriste radical al-Sadr peut tout à la fois contrôler un bloc au sein de l'Assemblée, organiser la marche anti-américaine qui a rassemblé 300000 personnes à Bagdad début avril, et recourir au terrorisme, comme lors de l'incendie du local du Parti Communiste Irakien de Sadr City, le grand quartier pauvre chiite de Bagdad.
Et puis surtout, il y a les factions qui, pour l'instant et pour des raisons diverses, choisissent le terrorisme sous prétexte de résistance à l'occupation, quitte à ce que ce soit la population qui le paie de son sang. Bush avait prédit que les élections du 30 janvier marqueraient le début de la fin de l'activité terroriste. Mais il n'en a rien été. Les responsables militaires américains ont dû reconnaître que l'activité terroriste en avril 2005 avait été au même niveau qu'en avril 2004, en plein milieu de la première bataille de Falloudja!
Il est bien sûr impossible de dire ce que sera l'avenir du nouveau régime mis en place par l'impérialisme. Non seulement il paraît déjà désarmé, malgré la puissance de feu occidentale, face au chaos politique engendré par la résistance. Mais en plus, il porte en son sein les lignes de fractures religieuses et ethniques que l'impérialisme n'a fait que creuser davantage en ouvrant un vide politique béant avec le renversement de Saddam Hussein. Dans ces conditions on voit mal comment un tel régime pourrait sortir la population irakienne de la situation d'otage dans laquelle elle se trouve, entre les tanks de l'impérialisme et les bombes des terroristes.