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- Lutte ouvrière n°1926
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Dans les entreprises
Augé Découpage – Besançon : Un petit patron qui garantit ses profits sur le dos des travailleurs
À Besançon, Augé Découpage est une petite société familiale créée en 1959.
Dans les années 1970, elle se spécialise dans le marché des semi-conducteurs en fabriquant des supports de puces de puissance, avec STM comme principal client. Augé Découpage se développe ensuite en Italie et au Maroc. Entre 1989 et 1991, elle distribue en dividendes 200000 euros par an aux actionnaires, la famille Augé, et entre 1994 et 2001, 300000 euros par an. En 1988, la famille Augé crée une holding appelée Augéfi dont elle détient 76%. Cette société détient les participations de la famille, qui vont de 18 à 99% (pour Augé Découpage), dans six entreprises qui occupent au total environ 1200 travailleurs.
Ces différentes sociétés versent à Augéfi une «redevance» annuelle calculée d'après le chiffre d'affaires. La minuscule Augé SAT Asie, qui n'emploie qu'un salarié, n'est pas la moins intéressante d'un point de vue patronal. Elle est chargée d'écouler une partie de la production des usines du groupe, principalement de l'usine de Besançon, sur le marché asiatique. Totalement inutile du point de vue de la production, elle est par contre particulièrement rentable car son chiffre d'affaires génère une importante redevance pour Augéfi.
En outre, passer par une société commerciale juridiquement indépendante des usines, mais contrôlée par les mêmes actionnaires, permet éventuellement toutes les manipulations financières et comptables. Le tout se déroule naturellement dans une opacité complète. Augéfi aurait ainsi touché, 1,6 million d'euros de redevances en 2004, dont 930000 euros d'Augé Découpage et 220000 euros d'Augé SAT Asie. La seule Augé Découpage aura versé depuis 1997 plus de 8 millions d'euros de redevances.
Ainsi on voit que même un petit patron sait se doter de structures financières relativement complexes lui permettant de garantir un profit stable, quels que soient les aléas du marché et de la production.
Et lorsque la production devient moins rentable, c'est aux travailleurs qu'il fait payer la note. C'est ce qui se produit dans l'usine de Besançon depuis plusieurs années.
En 2001, l'usine comptait jusqu'à 550 salariés. Mettant en avant des pressions à la baisse des prix venant des donneurs d'ordres, le patron a fait progressivement baisser l'effectif jusqu'à 370 personnes en 2004 en mettant fin aux contrats d'intérim et CDD et en ne remplaçant pas les démissions et départs en retraite. Mais ça ne lui a pas suffi! Fin 2004, il s'est mis à pleurer qu'il était au bord du dépôt de bilan et a annoncé un plan de licenciements, baptisé «plan social», pour 2005.
Il a alors sorti le grand jeu: dans le principal atelier de l'usine, le nombre de presses en activité est passé de 20 à 5. Le directeur financier accourait à chaque camion de matière avec le carnet de chèques d'une société de crédit pour régler au fur et à mesure, le fournisseur n'acceptant soi-disant plus de faire crédit. Durant plus de trois mois, le climat ainsi créé par la direction a conduit 61 travailleurs à se porter volontaires pour être dans le plan de licenciements qui intégrait en plus 16 départs en FNE. Et en juin le plan est tombé: 96 licenciements, dont 19 non volontaires. Au passage, le patron règle ses comptes avec la CGT, seul syndicat dans l'usine, puisque le nombre de délégués licenciés s'élève à 12 sur 20: 60% des délégués pour 26% de l'effectif total concerné par le plan!
De leur côté, l'État et les collectivités locales n'ont rien trouvé pour aider les travailleurs, mais ont été particulièrement sensibles aux larmes du patron: elles s'engagent à financer en partie le plan antisocial et à avancer 750000 euros pour les indemnités de licenciement.
Depuis, la matière s'est remise à couler à flots, il n'est plus questions de «payer au cul du camion»! Et les presses se sont remises comme par miracle à tourner à fond.
En 2001, Augé Découpage réalisait 68 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 550 salariés; en 2006, le patron prévoit un chiffre d'affaires de 47 millions avec les 270 travailleurs restants. Ce qui fait une augmentation de productivité de 71% par salarié!
Le patron conserve sa fortune et ses profits. Et tout cela est payé par la mise au chômage d'une partie des travailleurs d'un côté, et de l'autre par l'intensification du travail de ceux qui restent.