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Dans les entreprises
SNCM - Marseille : Les travailleurs contre la privatisation et les suppressions d'emplois
L'annonce de la privatisation totale de la SNCM assortie d'un plan de 400 suppressions d'emplois a choqué non seulement les 2 360 personnes qui y travaillent, mais l'ensemble des travailleurs du Port et de nombreux Marseillais.
À l'issue de la grève d'avril 2005, il avait été question de 210 suppressions d'emplois et de l'entrée de capitaux privés dans la SNCM où l'État serait resté majoritaire.
Mais une fois la saison terminée, le gouvernement annonçait, lundi 26 septembre, par la voix du préfet de région Christian Frémont, qu'en fait un repreneur unique achetait l'ensemble de la SNCM.
Une entreprise publique offerte aux capitalistes
La SNCM possède cinq ferries, dont certains, tout récents, le Danielle-Casanova et le Napoléon-Bonaparte, peuvent transporter deux mille passagers et sept cents véhicules chacun, un navire à grande vitesse (NGV) et quatre cargos mixtes transportant plusieurs centaines de passagers et de camions, semi-remorques et remorques, ainsi bien sûr que des immeubles en plein centre-ville de Marseille. Tout ceci est évalué à 450 millions d'euros.
Le trafic, lui, est en augmentation, que ce soit vers la Corse ou vers les pays du Maghreb. Les navires ont fait le plein tout cet été, et les réservations étaient encore très importantes.
Néanmoins, ont affirmé en choeur le président, les représentants du ministère des Transports et le préfet, cette entreprise a des problèmes financiers, l'État ne saurait continuer à lui verser des fonds, d'ailleurs Bruxelles ne le permettrait pas. Si la saison a été bonne, la hausse du prix des carburants aurait tout englouti.
Le déficit annoncé pour cette année oscille, selon les estimations, entre 29 millions et 60 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de 193 millions d'euros en 2004. Le repreneur, un fonds d'investissement, Butler Capital Partners, aurait à verser 35 millions d'euros pour acquérir la SNCM. Quels sont ses plans? Les travailleurs l'ignorent et en sont réduits aux hypothèses. L'État s'engage à verser 113 millions d'euros pour compenser les dettes et à prendre en charge les 400 suppressions d'emplois prévues, dont sans doute des licenciements secs.
Pour résoudre, paraît-il, ses problèmes financiers, la SNCM a vendu avant l'été un de ses NGV. Elle vient de céder ses parts de Sud-cargos à la CMA-CGM, qui venait d'en acquérir l'autre moitié en rachetant le groupe Delmas qui les détenait. Quant au repreneur, le fonds d'investissement Butler, il est partenaire de STEF-TFE, détenteur à 30% de la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN), dont la SNCM possède 70% des actions. D'après le journal La Marseillaise, la CMN ne versait pas, depuis des années, les dividendes dus à la SNCM.
La seule chose qui soit claire dans ce jeu de Monopoly, c'est que les actionnaires de ces groupements capitalistes recevraient, avec une SNCM à 35 millions d'euros et l'argent de l'État, un magnifique cadeau dont ils escomptent des profits considérables sur le dos des marins, des ouvriers et des employés.
La direction essaie d'utiliser les passagers contre les travailleurs
Ceux-ci, choqués et très inquiets, ont réagi. Dès mardi 20 septembre, les marins bloquaient le Méditerranée en partance pour Alger ainsi que le Bonaparte prévu pour la Corse.
Les passagers, très nombreux, se retrouvaient à attendre des heures sur le port, en plein soleil, sans que la direction s'occupe d'eux. Elle ne prévoyait ni de leur fournir de l'eau et de la nourriture, ni un hébergement où les voitures seraient elles aussi à l'abri. Ainsi, les passagers, parfois des familles entières, ont passé deux ou même trois nuits sur le port. C'est la Croix-Rouge qui a fait face aux problèmes les plus urgents. Il est à noter que, si le Port autonome vient d'ouvrir une nouvelle gare maritime, c'est toujours un minimum dérisoire qui est prévu pour les passagers. Les voitures restent sur un parking sans ombre avec de rares points d'eau et de rares toilettes, vite engorgées, pour des centaines de passagers en attente. Ces passagers ont ensuite été envoyés à Toulon où rien n'était prévu pour les accueillir, pour prendre place sur des navires très insuffisants. Sept cents d'entre eux ont dû revenir sur Marseille avant de trouver place sur des navires d'autres compagnies, affrétés pour l'occasion, parfois pour des ports loin de leur destination.
Malgré toutes ces avanies, de nombreux passagers, souvent des ouvriers algériens ou marocains, ont tenu à dire qu'ils comprenaient les marins.
La mobilisationse renforce
Lundi 26, dans l'attente des annonces du préfet, une manifestation de 500 personnes, très animée, gagnait la préfecture, soutenue par des délégations dont celle de Nestlé.
Tous les syndicats, la CGT, mais aussi le Syndicat des Travailleurs Corses (STC), et ceux des cadres et officiers, sont hostiles à ce plan. Pour la plupart, ils s'étaient dits prêts à accepter une entrée de capitaux privés même assortie de suppressions d'emplois sans licenciements secs, mais non la privatisation complète.
Après l'annonce de la privatisation et des suppressions d'emplois, les marins CGT ont fermé la plupart des accès au port avec des engins. Ils ont voulu empêcher le Kalliste de la CMN de partir. Des charges violentes des CRS, en présence du préfet de région, les ont repoussés et le Kalliste est parti. Deux travailleurs du Port autonome de Marseille (PAM) ont été arrêtés, maltraités, et placés en garde à vue. Les portes du port restent presque toutes bloquées.
Mardi 27 septembre, en réponse, les dockers se sont mis en grève. Les travailleurs du Port autonome de Marseille, qui ont aussi des revendications, étaient en grève. À la SNCM, la grève était quasi totale. Des grévistes protégeaient les travailleurs en CDD que la direction voulait envoyer à Sète pour y embarquer des passagers!
Le terminal pétrolier de Fos a été bloqué. Des marins corses ont pris le Pascal-Paoli et ont quitté le port pour la Corse au nez et à la barbe des CRS. Dans l'après-midi du même mardi, près de 400 grévistes du PAM, de la SNCM, des dockers et aussi des travailleurs de la réparation navale et des Douanes réclamaient la libération des deux travailleurs du PAM enfermés à l'"Evêché", l'hôtel de police.
Les marins, les ouvriers et les employés de la SNCM sont résolus à se défendre. Et ils ont la sympathie des autres travailleurs de la ville.