Réforme de l'ISF : Du malheur d'avoir trop d'argent28/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1943.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Réforme de l'ISF : Du malheur d'avoir trop d'argent

Grâce à la nouvelle réforme de l'ISF, votée vendredi 22 octobre, 12000 personnes seront dégrevées de 70 millions d'euros d'impôt, au total. C'est donc un cadeau direct à un tout petit nombre de riches contribuables. Aux députés du PS qui le taxaient de "copinage fiscal", Breton, le ministre des Finances, a eu beau jeu de répondre que c'est le PS qui avait, le premier, exonéré les grands patrons. Il a ajouté que, grâce à lui, les salariés vont aussi pouvoir en profiter. Encore faut-il être soumis à l'ISF, c'est-à-dire posséder au moins 732000 euros de patrimoine, ce qui arrive sans doute aux salariés comme Breton et consorts mais jamais à un smicard.

Thierry Breton prétend que sa réforme "va dans le sens de l'emploi" et Copé, le ministre du Budget, parle d'encouragement au "patriotisme économique pour éviter les délocalisations". Certains hommes politiques, particulièrement lorsqu'ils sont ministres, ont en effet pris l'habitude d'ajouter à toutes leurs phrases "afin de lutter contre le chômage". En revanche, les députés de droite qui s'adressent à leur électorat de bourgeois, petits, moyens ou gros, n'ont pas de ces pudeurs.

Le député UMP Carrez, par exemple, dit que l'ISF "est un impôt qui a tous les vices" et que c'est à cause de lui que des entreprises comme "les biscuits Saint-Michel et les sous-vêtement Éminence ont été rachetées". En cherchant bien, et s'il a des éleveurs de poulets parmi ses électeurs, Carrez devrait pouvoir démontrer que la grippe aviaire, c'est à cause de l'ISF.

Pour Pierre Lellouche, également député UMP "cela fait belle lurette que l'ISF ne mérite plus son nom parce que les fortunes sont parties". Pourtant sur les 59 915 contribuables parisiens soumis à l'ISF, décomptés par Lellouche lui-même, il doit bien y avoir quand même quelques fortunes rondelettes. Goasguen, autre député parisien, parle de "gain minima" et de "petits cailloux" (820000 euros d'économie d'impôts pour l'ex-PDG de Carrefour!) et ne "comprend pas la résistance du gouvernement (à supprimer l'ISF) deux ans avant la présidentielle". Et surtout trois ans avant des élections municipales pour lesquelles Goasguen et Lellouche se disputent les faveurs, entre autres, de ces 59915 assujettis parisiens.

Le même Lellouche, emporté par son élan, parle d'un "impôt antifamilial et antinatalité". Une erreur de copier-coller certainement, entre le dossier ISF et le dossier IVG de son catalogue des préjugés à l'usage de l'électorat de droite.

Mallié, député UMP des Bouches-du-Rhône, évoque, avec des sanglots dans la voix, "ces retraités aux revenus normaux qui ont mis toute leur vie à acquérir un logement", "devenus propriétaires grâce à de lourds sacrifices". Ils doivent cependant être rares car même en ne dépensant que le strict nécessaire et, surtout, en ne fréquentant ni les estaminets ni les réunions syndicales, peu d'ouvriers peuvent s'acheter une gentilhommière après une vie de travail. Il leur faudrait mettre de côté 1000 euros par mois pendant 61 ans pour être soumis à l'ISF. C'est sans doute en pensant à de tels travailleurs, méritants et honnêtes, que ce député UMP crie contre l'ISF comme si on l'égorgeait au coin d'un bois.

Le député UDF Baguet, qui comme son chef de file Bayrou joue les opposants, trouve quant à lui que parler de réduire les impôts des plus riches alors qu'il y a tant de pauvres a "un côté dérangeant". Pour la morale ou pour la digestion?

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