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Leur société
Négociations sur la fiscalité européenne : Vous avez dit "union"?
Après l'échec des négociations au niveau européen pour une TVA réduite dans la restauration, Chirac vient d'essuyer un nouveau revers à propos de la TVA réduite appliquée depuis 1999 pour les travaux dans le bâtiment.
Alors qu'après un premier refus, les gouvernements tchèque et chypriote avaient finalement accepté un compromis prolongeant jusqu'en 2010 les taux de TVA réduits sur les services "à haute intensité de main-d'oeuvre", comme la rénovation des logements, les soins à domicile ou la coiffure, c'est la Pologne qui a opposé son veto à la prolongation de cette mesure.
Les porte-parole des entrepreneurs français du bâtiment se disent consternés par cette décision du gouvernement polonais. Selon eux, le retour à une TVA de 19,6% au lieu de 5,5%, qui fait grimper les factures au détriment des particuliers, pourrait menacer 85000 emplois et encourager le travail au noir. Une manière comme une autre d'appeler le gouvernement -si sensible aux demandes du patronat- à faire un effort de compensation en leur faveur!
Appliquées par neuf États, dont la France, ces dérogations au régime général de la TVA dans l'Union européenne ont expiré depuis le 31 décembre. Or, tout accord sur des questions fiscales doit être adopté à l'unanimité des vingt-cinq États membres de l'UE.
La nécessité de parvenir à un compromis accepté par tous ouvre donc la porte à toutes sortes de tractations dans les coulisses de Bruxelles, chaque État essayant de troquer sa signature contre des avantages pour lui-même. La ministre des Finances polonaise, Zyta Gilowska, n'a d'ailleurs pas caché que son refus était justifié par le fait que ses partenaires n'avaient fait aucune concession sur les revendications de son pays.
C'est une allusion au fait que lors de leur adhésion à l'UE, la Pologne et la République tchèque avaient obtenu l'autorisation de taxer moins lourdement leurs logements neufs, arguant du fait qu'une TVA réduite leur était nécessaire pour améliorer leur parc d'habitations. Or cette dérogation ne leur avait été accordée que jusqu'en 2007 et ces dernières semaines, ces deux pays ont vainement tenté d'obtenir que cette mesure soit prolongée au-delà de cette date. En opposant son veto, le gouvernement polonais ne fait donc que défendre ses propres intérêts face aux grandes puissances européennes, et notamment la France, qui essaient souvent de faire prévaloir les leurs.
Des gouvernements engagés dans des litiges et des marchandages sans fin chaque fois que l'un veut donner quelques avantages à ses entrepreneurs du bâtiment, l'autre un taux de TVA réduit aux patrons de restaurant, un troisième limiter sa contribution au budget, voilà le spectacle qu'offre "l'Union" européenne. Les gouvernements de celle-ci sont au moins d'accord sur une chose: si on les voit souvent se déchirer autour de quelques avantages à concéder aux possédants de leur pays, on ne les voit jamais se battre, par exemple, pour défendre le niveau des salaires, des retraites ou celui de la protection sociale.