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Leur société
Suez-EDF-GDF : L’État aide les riches à devenir plus riches
L'annonce par Villepin de la fusion Suez-Gaz de France a eu un effet radical: même les parlementaires UMP s'y sont opposés, alarmés à l'idée que leurs électeurs, devant lesquels ils vont bientôt se représenter, pourraient leur reprocher la privatisation d'un service public et la hausse des tarifs du gaz.
Villepin, spécialiste des «coups» tonitruants mais crédité par un récent sondage Ifop de 73% de mécontents, aurait décidé une «opération discrétion» et passé le flambeau au ministre de l'Économie, Thierry Breton. Il a officiellement renvoyé à une date ultérieure la présentation au Parlement de la loi sur la privatisation de Gaz de France.
Tout cela est évidemment une mise en scène. Quels que soient les délais et le protagoniste, l'objectif reste le même: le gouvernement veut «ouvrir au capital» -c'est-à-dire privatiser- GDF, au-delà des limites qu'il avait lui-même imposées par une loi de juillet 2004 obligeant l'État à conserver au moins 70% du capital de cette entreprise. Avec une fusion Suez-GDF, il n'en détiendrait qu'un peu plus de 34%.
Les arguments du gouvernement sont, bien sûr, «la préservation des intérêts de tous»; selon lui, seul un très grand groupe peut proposer des prix de l'énergie compétitifs, assurer la continuité en approvisionnement énergétique, mettre les consommateurs à l'abri d'une rupture comme en ont connu les Américains en Californie par exemple. Le patron de Suez, Gérard Mestrallet, en rajoute en affirmant que les salariés n'ont pas à avoir peur puisque son groupe a «une politique sociale particulièrement développée». Quant au patron de GDF, Jean-François Cirelli, il se dit confiant car ses actionnaires «ont indiqué qu'ils soutenaient le projet».
Cette dernière affirmation est sans doute la seule qui ne soit pas mensongère. Les actionnaires seront choyés. Les hausses successives du prix du gaz ont permis au PDG de GDF d'annoncer un «bénéfice historique» en hausse de 29% en mars dernier, ce qui a valu une hausse de son action. Quant à Suez, cela fait deux ans qu'il augmente la rémunération de ses actionnaires de 13 à 15%.
L'État dit donc vouloir permettre la constitution d'un grand groupe capable de prendre la première place sur le marché européen. Dans l'immédiat, cela devrait se traduire par un beau cadeau au groupe privé Suez. L'attention portée à ce groupe n'est pas nouvelle. Suez doit une part essentielle de sa croissance à l'aide étatique: le marché des services dits «publics», la distribution de l'eau, l'environnement, une nationalisation assez fructueuse en 1982 , une reprivatisation en 1987 avec une belle plus-value: tout cela n'a fait qu'accroître la puissance du groupe et la fortune des actionnaires. Tous les gouvernements, de droite comme de gauche, y ont participé: le conseil d'administration de Suez en témoigne puisqu'il réunit, entre autres, Alphandéry, un ancien ministre de Balladur, et Peyrelevade qui, parmi de multiples fonctions, eut celle de directeur de cabinet du socialiste Mauroy. Il compte également un ancien ministre belge puisque le groupe, franco-belge, a également profité de la manne étatique du gouvernement de Bruxelles.
Quant à GDF, à travers lui comme à travers EDF, l'État a constitué toute une infrastructure indispensable au fonctionnement de l'économie. L'ensemble des abonnés au gaz forment une clientèle captive et une source de revenus régulière et assurée pour le groupe qui encaissera leurs factures. Avec la hausse des tarifs, ce marché devient de plus en plus intéressant. L'État a même pris soin de s'attaquer à ce qu'il ose appeler les «privilèges» des salariés, pour rogner sur les coûts de production et proposer ainsi une entreprise alléchante.
Les consommateurs qui s'inquiètent et les salariés qui refusent de se sacrifier ont raison: ils n'ont pas à être les pourvoyeurs et les victimes du profit capitaliste.