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- Lutte ouvrière n°2006
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Janvier 1957, la bataille d’Alger : Des généraux tortionnaires sous le gouvernement socialiste
Au début du mois de janvier 1957, Robert Lacoste, le ministre-résident à Alger, socialiste, confiait au général Massu, commandant de la 10e division parachutiste, la totalité des pouvoirs de police dans la zone d'Alger. Le 7 janvier, 8000 parachutistes pénétraient dans Alger avec comme objectif de détruire l'organisation algéroise du FLN, le Front de Libération Nationale, qui se battait pour l'indépendance de l'Algérie.
La répression s'abattit dès lors avec brutalité sur la population de la casbah d'Alger: tortures, assassinats, disparitions s'y multiplièrent. Ce fut le début de ce qu'on appela la «bataille d'Alger», «le sang et la merde», comme le dit plus tard le général Bigeard, un des chefs militaires d'Alger. L'armée arrêtait, fichait, torturait dans des centres de transit et de triage. C'était la torture à la «gégène», la baignoire, les coups. On parla de 3000 disparus.
Cette répression avait été décidée par un gouvernement socialiste dont le président du Conseil socialiste, Guy Mollet, était investi des «pouvoirs spéciaux» depuis le 16 mars 1956, votés par les députés socialistes et communistes. C'est en s'appuyant sur un décret relatif à l'application de la justice militaire en Algérie, signé le 17 mars 1956 par Guy Mollet avec son ministre de la Défense Bourgès-Maunoury, celui de la Justice François Mitterrand, et Robert Lacoste, que le préfet put donner en ce début janvier 1957 tout pouvoir aux généraux Massu, Bigeard et autres.
Alors que la population algérienne subissait la répression de l'armée française, en France les protestations contre la guerre d'Algérie se faisaient entendre, venant de soldats du contingent, notamment des «rappelés», qui refusaient de partir faire cette «sale guerre», et d'intellectuels qui réagissaient contre la pratique de la torture. Le gouvernement socialiste, lui, continuait à couvrir l'action et les exactions de son armée, en particulier en niant l'utilisation de la torture.
Au bout de neuf mois d'une répression systématique et particulièrement brutale, si le FLN fut démantelé à Alger, la partie n'était pas gagné pour autant pour l'impérialisme français: la population algérienne n'était toujours pas soumise.
Incapables de gagner la guerre contre le peuple algérien, mais incapables aussi d'imposer l'idée d'une paix négociée au corps des officiers, ou aux pieds-noirs, les socialistes quittèrent le gouvernement après avoir sollicité l'homme de droite De Gaulle, pour qu'il revienne au pouvoir.
Les exactions des paras de Massu, couverts par la veulerie du gouvernement socialiste, ne purent empêcher le peuple algérien de parvenir, en 1962, à l'indépendance. Elles la firent seulement payer d'un peu plus de morts, de tortures et de haine.
Aline RETESSE
À propos du comportement de l'armée en Algérie, Guy Mollet déclarait dans un discours prononcé devant la fédération socialiste de la Marne, le 14 avril 1957: «Sans doute des actes de violence, extrêmement rares, ont été à déplorer. Mais ils ont été, je l'affirme, consécutifs aux combats et aux atrocités des terroristes. Quant aux actes de torture prémédités et réfléchis, je dis que si cela était, ce serait intolérable. On a comparé à ce sujet le comportement de l'armée française à celui de la Gestapo. Cette comparaison est scandaleuse. Hitler donnait des directives qui préconisaient des méthodes barbares, tandis que Lacoste et moi avons toujours donné des ordres dans un sens absolument contraire. Des enquêtes ont d'ailleurs été ordonnées et des condamnations prononcées, qui ont sanctionné des actes répréhensibles. Mais ceux-ci, je le répète, pourraient presque se compter sur les doigts de la main.»
Mais, quoi qu'en dise Guy Mollet, les socialistes, qui avaient été élus en janvier 1956 en promettant de faire la paix en Algérie, avaient bel et bien intensifié la guerre avec la complicité du PCF, et couvert ainsi les activités des tortionnaires de l'armée française.