En Allemagne, la direction du Syndicat des conducteurs de locomotives (GDL) a décidé, le 13 janvier, d'accepter les propositions faites la veille par la direction de la Deutsche Bahn (DB) dans le conflit qui dure depuis dix mois avec celle-ci, conflit qui a donné lieu à six grèves depuis l'été 2007, la dernière ayant duré du 14 novembre au 17 novembre

L'accord signé en juillet dernier par les syndicats majoritaires chez les cheminots prévoyait une augmentation de 4,5 % au 1er janvier 2008 et une prime de 600 euros.

Mais, après ces mois de conflits avec la Deutsche Bahn, les agents de conduite ont obtenu 11 % d'augmentation de salaire sur l'année 2008 (dont 8 % au 1er mars et 3 % en septembre). Avec en plus une prime unique de 800 euros en guise de rattrapage depuis juillet dernier. Enfin ils ont obtenu, à partir de février 2009, une petite diminution de leur temps de travail, qui passera alors de 41 à 40 heures hebdomadaires.

L'accord conclu apparaît à tous comme une victoire. Et ce d'autant plus dans un contexte où, depuis des années, le pouvoir d'achat ne cesse de reculer, et où de nombreuses entreprises exigent l'augmentation du temps de travail sans augmentation des salaires, quand ce n'est pas, comme chez Telekom, en diminuant même les salaires. Les agents de conduite ont montré qu'il était possible d'imposer de véritables augmentations de salaire et sans pour autant travailler encore plus.

Mais pour cela, ils ont dû passer à l'offensive, se donnant des revendications que la direction jurait démesurées, et surtout, c'était indispensable, ils se sont montrés déterminés à lutter pour ces revendications.

Car pendant dix mois, les chemins de fer allemands ont refusé toute discussion sur ces revendications. Ils ont tout fait pour empêcher la grève des agents de conduite, faisant interdire ou du moins essayant de faire interdire par les tribunaux chaque débrayage, chaque grève. Ils ont distribué les avertissements, sanctions et licenciements contre des cheminots, envoyé la police ferroviaire contre des grévistes, porté plainte contre le syndicat GDL, demandant des millions d'euros en dommages et intérêts pour les pertes financières subies.

Ce qui a finalement obligé les chemins de fer à céder, c'est que les conducteurs sont restés inflexibles, ne renonçant pas à la grève et déclarant, puisque leur direction ne voulait rien entendre, être prêts et déterminés à se lancer désormais dans une grève illimitée ce que le syndicat GDL a réussi finalement à éviter à DB.

C'est la crainte des conséquences d'une telle grève illimitée pour la DB d'abord, ainsi que pour d'autres entreprises, qui commençaient à avoir des problèmes d'approvisionnement qui explique aussi le succès des agents de conduite.

La DB, après avoir réussi à plusieurs reprises à faire interdire temporairement la grève par un tribunal, avait tenté une dernière manoeuvre en essayant d'exclure de l'accord les agents de conduite qui opèrent dans les gares de triage. Pour qu'elle recule, le GDL a dû finir par menacer de lancer une nouvelle grève, illimitée cette fois (ce que souhaitaient depuis longtemps nombre d'agents de conduite, mais ce qu'elle avait écarté jusque-là ), à partir du 7 janvier.

La convention collective salariale des agents de conduite, dont la validité s'étendra jusqu'en janvier 2009, doit être officiellement signée avant le 31 janvier... sous réserve qu'il n'y ait pas d'ici là de nouveau un retournement de la direction de la DB. Celle-ci vient ainsi de déclarer que les concessions faites aux conducteurs conduiraient nécessairement à des suppressions de postes et à des hausses de tarifs. De l'aveu même d'un dirigeant du CSU, parti catholique et conservateur, les chemins de fer cherchent par là à instrumentaliser l'accord tout juste passé avec le syndicat GDL pour le rendre responsable de mesures d'austérité qui étaient de toute façon planifiées. De fait, il s'agit là d'un nouveau mensonge de DB, destiné à masquer sa volonté de rentabiliser toujours plus, afin d'attirer les investisseurs dans le cadre de la privatisation prévue d'ici quelques mois.

Sans doute la direction cherche-t-elle aussi, par ce type d'annonce, à empoisonner le sentiment de victoire qui domine chez les cheminots. Il reste à espérer que ce qu'ont obtenu les agents de conduite encourage d'autres catégories de cheminots d'abord, et pourquoi pas l'ensemble des travailleurs, à lutter pour leurs revendications.