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Belgique : Grèves pour les salaires
Lundi 14 janvier, les travailleurs de Syncreon, une firme qui produit des panneaux de portes, des pots d'échappement et les câblages pour Ford Genk, se sont mis en grève pour demander une augmentation de 1 euro de l'heure, soit 150-170 euros par mois.
Il n'a pas fallu plus pour que la direction de Ford se trouve coincée. Sans les pièces de Syncreon, les voitures ne sortent pas, et cela en plein Salon de l'auto.
Après deux jours de grève et une tentative vaine des permanents syndicaux de faire voter la reprise aux grévistes, Ford et Syncreon ont cédé une augmentation de 0,47 euro de l'heure et une prime de 1 000 euros payable en deux fois. 54 % des travailleurs ont voté pour la continuation de la grève, mais les permanents syndicaux ont mis tout leur poids dans la balance pour les convaincre qu'il faut 66 % des votes pour pouvoir faire grève, un chiffre qui n'a rien de légal, mais souvent utilisé pour faire reprendre le travail. Sur pression de la direction, les négociateurs syndicaux ont promis la " paix sociale ". Heureusement, les signatures des permanents syndicaux n'ont pas le pouvoir d'empêcher les travailleurs d'engager des luttes.
D'autres firmes de sous-traitance sur le site de Genk, qui se sont mises en grève, ont également obtenu des augmentations. Depuis, des grèves ont éclaté dans plusieurs entreprises dans la province du Limbourg où se trouve l'usine Ford, et même à Bruges, à plus de 100 km de là, et la plupart ont obtenu des augmentations.
Il n'en faut pas plus pour que l'inquiétude change de camp et gagne les représentants du patronat. Un dirigeant de l'organisation patronale Voka du Limbourg a imploré à la télévision les patrons des sous-traitants d'arrêter " l'affolement ". Dans son désarroi, le pauvre homme a fini par lâcher qu'il " espérait que les syndicats pourront garder la situation sous contrôle ".
Rien n'est moins sûr ! Jeudi 17, les travailleurs de Ford eux-mêmes se sont mis en grève. Après deux jours de grève et les menaces de fermeture du site par le directeur de Ford Europe proférées pendant le week-end, les travailleurs ont accepté lundi 21 la proposition de la direction négociée avec les syndicats : une prime de 864 euros net, l'embauche de 200 des 920 intérimaires et le ralentissement de la chaîne de 1 %.
Ce mouvement de grève intervient à un moment où tombe le montant de " l'index " dans beaucoup d'entreprises. Les salaires en Belgique sont en effet indexés automatiquement sur l'évolution des prix à la consommation. Mais cette indexation est de plus en plus théorique, car elle reflète de moins en moins l'évolution réelle du coût de la vie, notamment parce que le carburant, le mazout de chauffage, les assurances auto... ne rentrent plus en ligne de compte. Cette augmentation est bien insuffisante, alors que les prix du gaz et de l'électricité ont augmenté d'environ 300 euros par ménage cette année.
Ces augmentations de salaire obtenues par des grèves sont contagieuses. Le délégué principal d'Opel à Anvers a fait savoir à la direction d'Opel qu'après le résultat à Ford les travailleurs d'Opel attendaient une augmentation, sans toutefois préciser le montant.
Face à ces grèves, la machine de propagande patronale s'est mise en route. En Flandre, les " experts " économistes ont peuplé les plateaux de télévision pour expliquer qu'une augmentation des salaires provoquerait l'inflation - comme si elle n'était pas déjà là, sans qu'on augmente les salaires ! Ou que les entreprises licencieraient inévitablement. Comme si les entreprises ne licenciaient pas sans cela (et notamment Ford, qui avait mis 3 000 travailleurs à la porte en 2003, dont quelques centaines ont depuis été réembauchés sous contrat intérimaire !). Par contre, dans la presse et la télévision francophones, toujours promptes à traquer le moindre bout de phrase antifrancophone de certains dirigeants flamands, c'est le silence quasi complet sur les grèves en Flandre.
La hausse des prix devient insupportable et les éternelles menaces sur l'emploi commencent à ne plus avoir d'effet sur ceux qui galèrent depuis des années de contrat précaire en contrat précaire. Alors ces grèves sont peut-être les signes avant-coureurs de luttes plus générales.