- Accueil
- Lutte ouvrière n°2072
- Ne pas troubler le calme olympien ?
Leur société
Ne pas troubler le calme olympien ?
Le président du comité olympique français a précisé que les sportifs français ne seraient pas autorisés à porter le badge que certains envisageaient d'afficher sur leur maillot, lors des prochains Jeux de Pékin. Pourtant le texte n'en était pas bien subversif, se contentant de dire pour " un monde meilleur ".
On ne peut pas, explique ce responsable, " mettre un badge pour la cause untel, un badge pour une autre cause ". " On va respecter la charte (olympique) ", ajoute t-il, " qui est : aucune manifestation de quoi que ce soit pendant les manifestations sportives... "
C'est vrai : où irait-on si on laissait les sportifs exprimer une opinion, ou même simplement en avoir une ? Qu'ils se contentent donc de courir, de sauter, de jouer, de gagner ou de perdre, de faire du spectacle, rien que du spectacle. Il faut que l'exclusivité des messages soit réservée aux sponsors qui payent, fort cher d'ailleurs, le droit de s'afficher et de nous vanter les vertus de Coca-Cola, la ponctualité des montres Oméga, la vélocité des chaussures Adidas, et ne permettre qu'aux seuls États de faire flotter leurs drapeaux au vent pékinois, et chanter leurs hymnes nationaux qui réclament " qu'un sang impur abreuve nos sillons " ou qui sollicitent que Dieu bénisse leur reine.
Heureusement que de temps à autre des sportifs prennent la liberté de transgresser ce rituel imposé, comme les deux athlètes noirs américains John Carlos et Tommie Smith qui en 1968, durant les jeux de Mexico, avaient brandi un poing ganté de noir sur le podium du 200 mètres, pour exprimer leur solidarité avec la lutte des Noirs de leur pays contre l'oppression qu'ils y subissaient.
On se souvient de leur geste avec émotion, bien plus encore que de leur victoire et de leur médaille. Car, n'en déplaise à cet obscur président du comité olympique français, ils ont montré que l'on pouvait être des sportifs de haut niveau, avoir des idées et les défendre jusqu'au bout.