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- Lutte ouvrière n°2074
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Maroc : Incendie dans une usine de matelas - des patrons assassins !
Au moins soixante travailleurs ont péri, en majorité des femmes, et dix-sept autres ont été grièvement blessés dans l'incendie d'une usine de matelas située dans un quartier de Casablanca, samedi 26 avril. Et plus les informations sur les circonstances de ce drame sont connues, plus elles suscitent l'horreur et l'indignation.
Les ouvriers ont été piégés à l'intérieur de l'usine, dont les portes étaient verrouillées et les fenêtres munies de grilles : « Le propriétaire enfermait les employés à l'intérieur de l'usine pour, soi-disant, éviter le détournement de matières premières », a affirmé le commandant régional de la protection civile. Les rescapés, sur la centaine de travailleurs présents, n'ont pu quitter le bâtiment qu'en sautant par une fenêtre du deuxième étage après en avoir défoncé la grille, ou grâce à des habitants du quartier qui ont réussi à percer une issue dans un mur.
Cette infamie est venue s'ajouter à l'absence totale de sécurité, première cause du drame, pour multiplier le nombre de victimes. Alors que l'usine utilisait des matières hautement inflammables, elle était construite dans un immeuble de quatre étages, sans issue de secours, les extincteurs étaient vides, les outils de secours de base inexistants et les installations électriques pas entretenues - c'est d'ailleurs un court-circuit au rez-de-chaussée qui a déclenché l'incendie. Le propriétaire et le gérant (qui n'est autre que son fils !) ont délibérément choisi, par appât du gain, de prendre le risque de tuer leurs employés. Des ouvriers ont témoigné par ailleurs que le salaire versé se situait entre 20 et 30 euros par semaine, qu'ils travaillaient plus que le temps réglementaire et que, sur les 200 personnes employées à l'usine Rozamor Ameublement, 30 seulement étaient déclarées à la Caisse nationale de Sécurité sociale.
Les deux hommes ont été mis en examen, mais s'ils sont effectivement des criminels, ils ne sont malheureusement pas les seuls. Dans nombre d'usines, les conditions de sécurité ne sont pas respectées (un incendie dans une usine textile de la banlieue de Casablanca a fait trois victimes le lendemain), et les autorités laissent faire. La construction d'usines dangereuses au milieu de zones d'habitation, sans bouches d'incendie (la plus proche en état de marche se trouvait à 600 mètres), l'absence de normes de sécurité dans les zones industrielles sont à mettre sur le compte des autorités locales ou nationales. « Qui a donné l'autorisation de construire quatre étages dans cette zone suburbaine alors que l'usine devait être horizontale dans sa construction ? », s'interroge le syndicat UMT (Union marocaine des travailleurs). « A-t-on jamais contrôlé les conditions de travail inhumaines à l'intérieur de cette fabrique ? Autant de questions qui exigent des réponses d'autant plus que le sort des victimes est toujours incertain. La question qui se pose est de savoir si le patron avait ou non souscrit des assurances pour ses salariés. Et pour les ouvriers qui ont été sauvés, c'est le chômage qui les hante déjà », ajoute-t-il dans un communiqué.
Les travailleurs marocains sont contraints d'accepter de travailler pour des exploiteurs sans scrupules qui s'octroient tous les droits, y compris celui de tuer, et qui bénéficient en outre de la complaisance, sinon plus, des autorités. Mais si cet incendie a choqué du fait du nombre élevé de victimes et des conditions infligées aux travailleurs, c'est dans tous les pays, y compris les pays dits développés, que la rapacité des patrons mène bien souvent à la mort des centaines d'ouvriers.