Italie - Naples : Les mafias en tout genre pourrissent la vie d'une région21/05/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/05/une2077.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie - Naples : Les mafias en tout genre pourrissent la vie d'une région

Mercredi 21 mai, Berlusconi devait tenir son premier Conseil des ministres à Naples, d'une façon symbolique paraît-il. En effet, cinq mille tonnes de déchets s'entassent dans les rues de la ville ; les reportages montrent des images apocalyptiques d'habitants zigzaguant, un mouchoir plaqué sur le nez, entre les monceaux de sacs poubelles et des pompiers tentant d'éteindre des foyers d'incendie dans divers coins de la ville.

Durant la campagne électorale, Berlusconi a promis qu'il s'attaquerait au problème, accusant le centre-gauche gouvernemental et la gauche qui dirige encore la région Campanie de n'avoir rien fait pour le résoudre. C'est certainement vrai, mais ce n'est pas la tenue d'un Conseil dans la ville qui le fera. et on peut douter que le nouveau gouvernement soit plus efficace en la matière que le précédent.

Le problème des ordures se pose à Naples depuis des années : la première alerte importante a eu lieu en février 1994. Aucun gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, pas plus Berlusconi que les autres, n'a prévu un traitement rationnel des ordures, et les décharges à ciel ouvert ont continué à s'engorger jusqu'à ce qu'on ne puisse plus rien faire d'autre que les fermer.

À l'incurie gouvernementale et régionale, au mépris du pouvoir central pour une région " sous-développée ", se sont ajoutées toutes les combines entre les entreprises censées traiter les déchets et la mafia locale : la Camorra. Ainsi la société Impregilo, qui à la fin de 1998 avait obtenu le marché du retraitement des ordures pour en faire du carburant, n'avait absolument pas la technologie nécessaire et n'a fait que se partager le travail avec la Camorra, qui contrôle 90 % de cette activité. En fait de " traitement " des déchets, il s'est agi tout simplement d'enfouir des ordures de toutes sortes et, entre autres, des produits très toxiques, venus d'autres régions d'Italie et même d'autres pays d'Europe ; l'absence totale de normes d'hygiène et de respect pour la population permettait d'offrir aux industriels des tarifs défiant toute concurrence.

Cela a évidemment eu des conséquences sur la santé publique : dans les communes au nord de Naples, on a relevé un taux de dioxine dix fois plus important que la normale ; un rapport de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) a semé l'inquiétude en révélant que le nombre de cancers du foie, du poumon et de l'estomac y était supérieur à la moyenne nationale et que le taux de mortalité était également supérieur.

Le gouvernement Prodi a nommé à Naples un énième commissaire aux pouvoirs extraordinaires pour faire face au problème. Mais que peut-il faire, à supposer qu'il le veuille ? Chaque jour 2 000 tonnes d'ordures compactées et recouvertes de plastique continuent de s'entasser dans les environs de Naples ; les rats courent dans les rues de la ville et les services sanitaires redoutent les épidémies. Quant à la population, exaspérée, elle refuse qu'on rouvre les décharges saturées, elle se méfie des conséquences possibles de l'installation d' incinérateurs par les autorités locales ou nationales. Le désastre auquel elle fait face lui ôte toute confiance dans les pouvoirs publics, et on la comprend : ce ne sont pas les solutions techniques qui manquent mais la volonté politique de s'attaquer aux mafias de l'industrie, des affaires et des trafics en tout genre, intimement liées entre elles et disposant de nombreuses complicités auprès des pouvoirs publics.

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