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- Lutte ouvrière n°2081
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Dans les entreprises
PSA - Aulnay : Les "temps modernes"
Le patron a beau jeu de prétendre qu'il n'y a pas d'aggravation des rythmes de travail, puisqu'une nouvelle équipe de nuit a été créée, soi-disant pour pallier la suppression d'une des deux chaînes. Mais les ouvriers, eux, sentent parfaitement dans leurs muscles ce que les chiffres prouvent de façon incontestable : chaque travailleur " fait " aujourd'hui 35 voitures de plus par jour qu'il n'en faisait en juillet dernier (342 contre 307). Et ce n'est qu'un début : aujourd'hui, il y a encore deux véhicules différents assemblés à Aulnay (la C2 et la C3). Mais dans deux ans, il n'y en aura plus qu'un, ce qui permettra une réduction du nombre d'opérations et donc une nouvelle augmentation des cadences. Il est probable qu'on reviendra alors à la cadence d'avant la fermeture du Montage 1, c'est-à-dire plus de 1 200 véhicules par jour.
Pour parvenir à ce résultat, la direction a préparé les choses de longue date, en réorganisant le travail sur les chaînes, aussi bien dans l'atelier du Montage que dans celui du Ferrage. La chasse aux temps morts est devenue plus folle qu'elle l'a jamais été : " l'ergonomie des postes ", comme disent les patrons, a été revue pour économiser le moindre centième de minute. Au Montage, les déplacements pour aller chercher des pièces ont été supprimés - parce qu'ils " ne produisent pas de valeur ajoutée ". Ils permettaient, en revanche, un peu de temps de repos pour les muscles et les tendons des bras - ces quelques secondes de marche étant autant de moments où l'on ne manipulait pas des pièces ou des outils. Terminé ! À présent les pièces ont été disposées au plus près de l'ouvrier, de telle façon qu'il puisse les prendre sans se déplacer. Les muscles ne se reposent jamais - ce qui, aux dires même de la médecine du travail, va faire immanquablement exploser le nombre de maladies musculo-squelettiques.
Pour pouvoir amener les pièces au plus près des postes, il n'est plus question d'utiliser des cars à fourches : les caristes sont donc progressivement transformés en manutentionnaires. Les bacs de pièces sont amenés par des petits trains le long des lignes, puis portés aux postes, à la main, par les caristes.
Dans l'atelier du Ferrage, c'est la politique inverse : dans certains secteurs, la réduction du nombre d'ouvriers se traduit par une course permanente des ouvriers d'un îlot robotisé à l'autre, puisqu'ils sont contraints de tenir plusieurs postes. Au Ferrage, selon les chiffres de la direction elle-même, certains ouvriers font à présent neuf kilomètres à pied dans la journée, en portant une charge cumulée de six tonnes !
C'est ce que Chaplin, en son temps, avait appelé " les temps modernes " : ce temps moderne où le progrès et la modernisation qui touchent toute la société s'arrêtent aux portes des usines. La politique suivie à Aulnay est en réalité une politique générale de tout le patronat de l'automobile : de PSA à Renault en passant par Toyota, ce sont exactement les mêmes méthodes. Les patrons en arrivent même, petit à petit, à supprimer certains robots pour refaire faire le travail à la main, parce que les salaires sont si bas que cela leur coûte moins cher, au final, que l'achat, l'exploitation et l'entretien de robots. Peugeot peut bien se vanter de doter ses véhicules des technologies les plus révolutionnaires et les plus avancées : dans les usines, c'est le retour à des conditions de travail de bagne.
En réaction, quelques débrayages, contre des suppressions de poste ou des réorganisations de tronçons de chaîne, ont déjà réuni plusieurs dizaines d'ouvriers. Ce n'est pas suffisant pour l'instant, mais une partie des travailleurs sentent bien qu'il faudra s'organiser pour résister, et organiser un jour la réponse que mérite cette offensive des patrons.