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- Lutte ouvrière n°2081
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Dans les entreprises
Renault - Flins - Au Montage, on n'est pas des robots
Comme dans toute l'automobile, les effectifs ont fondu à l'usine Renault de Flins. Après avoir été jusqu'à 25 000 il y a plus de trente ans, les salariés ne sont plus que 4 500, intérimaires compris, dont 2 900 ouvriers de production. Ils fabriquent la Clio III, et, pour quelques mois, une nouvelle vague de Clio II.
Au Montage, le plus gros atelier de l'usine, plus d'un millier d'ouvriers travaillent en équipes 2x8 et n'y font pas que des voitures. Une dizaine d'entre eux fabriquent de petits chariots qui ressemblent à ceux destinés aux courses dans les grandes surfaces. Ces chariots sont au coeur d'une nouvelle organisation du travail que la maîtrise tente de mettre en place.
Les ouvriers travaillant directement sur la chaîne, en effet, doivent désormais rester dans leur " strike zone ". Empruntée semble-t-il au lexique du base-ball, cette expression désigne - dans ce cas-là - une fenêtre virtuelle dans laquelle le lanceur doit envoyer la balle vers le frappeur. Mais à l'usine, on ne joue pas... La strike zone est une " fenêtre " à l'intérieur de laquelle doivent se limiter tous les gestes à effectuer au poste de travail. Idéalement, c'est un rectangle de 40 centimètres de hauteur sur 80 de largeur. On doit en effet se déplacer le moins possible, ne pas trop lever le bras au-dessus de la tête, ne pas trop se pencher, ni se retourner. Tout cela représenterait une perte de temps et n'apporterait, selon la direction, aucune valeur ajoutée au véhicule !
L'ouvrier devient alors un véritable robot humain qui doit répéter inlassablement les mêmes opérations, à une fréquence d'autant plus élevée que tout déplacement et geste " inutile " ont été éliminés. Le système des strike zones est donc en train de se mettre en place à l'atelier du Montage. Une ligne de fabrication est toujours en place, avec les voitures les unes derrière les autres, mais ce ne sont plus les ouvriers de chaîne qui se déplacent pour prendre les pièces sur les grandes étagères parallèles à la chaîne. Les pièces n'arrivent évidemment pas au travailleur posté par miracle : d'autres travailleurs, toute la journée, tournent en rond, prennent les pièces à monter sur de grandes étagères, les posent sur des chariots plus ou moins grands, et les apportent au bord de la chaîne, en face de la voiture à équiper. Cet endroit où le travailleur " fait ses courses ", Renault l'appelle le " picking " ou le " kitting ". Certains mesurent de 20 à 30 mètres, certains jusqu'à 80 ou 100 mètres. Que les ouvriers soient sur la chaîne, sur un picking ou un kitting, l'ensemble ressemble à un... jogging.
La maîtrise ne cesse de répéter qu'avec cette organisation les salariés de Renault sont à l'avant-garde. Cela pourrait finir par être plus vrai qu'elle ne le pense. Dans " strike zone ", n'y a-t-il pas, en effet le mot anglais " strike ", qui signifie aussi " grève " ?