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- Lutte ouvrière n°2082
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Leur société
Accord sur la représentativité syndicale : Quand le Medef et Sarkozy fixent des règles, ça ne peut être que mauvais pour les travailleurs
Le projet de loi sur « la démocratie sociale et le temps de travail » va être examiné en commission à l'Assemblée nationale à partir du 24 juin, pour être soumis aux députés à partir du 1er juillet. Ce texte est censé reprendre l'accord passé, appelé « position commune » du 9 avril, entre le Medef et la CGPME d'un côté, la CGT et la CFDT de l'autre.
Sur la deuxième partie, celle concernant le temps de travail, on sait ce qu'il en est advenu : les concessions faites par les deux confédérations ouvrières, qui permettaient déjà aux patrons d'en faire quasiment à leur guise, ont été jugées insuffisantes par le gouvernement, qui a encore aggravé les choses.
Reste donc la partie représentativité syndicale qui, elle, selon les dires du gouvernement, devrait être reprise telle qu'elle figure dans cette « position commune ». C'est cette partie qui a provoqué de vraies oppositions entre les confédérations syndicales, car il s'agit pour elles de leur place dans le système.
Jusqu'à maintenant, cinq confédérations syndicales, CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC, bénéficiaient d'une représentativité automatique, sans contestation possible, à tous les niveaux. Les nouvelles règles établissent qu'à terme, en principe dans cinq ans, il n'y aura plus de représentativité syndicale automatique pour qui que ce soit ; tous les syndicats devront en faire la preuve à chaque élection, car le critère de base sera celui du résultat obtenu aux élections professionnelles.
Pour voir la représentativité reconnue dans une entreprise, avec les droits syndicaux existant actuellement, il faudra que le syndicat ait recueilli 10 % des voix aux élections au comité d'entreprise, ou à défaut aux élections des délégués du personnel. Au niveau des branches et des régions, il devra avoir recueilli, à titre transitoire, 8 % de voix aux mêmes élections dans le secteur considéré, un pourcentage qui ensuite sera porté lui aussi à 10 %. Enfin, pour acquérir la représentativité à l'échelle nationale, il faudra de même recueillir 8 %, puis 10 % dans un deuxième temps, aux élections prud'homales.
Ces règles nouvelles favoriseront les syndicats les plus influents. Mais au niveau d'une entreprise, cela dépendra de beaucoup de choses, dont l'attitude du patron. Certains syndicats CGT pourraient même être éliminés de la représentativité à ce niveau. Au niveau des branches, de la région et au niveau national, c'est incontestablement la CGT et la CFDT qui pourraient émerger seules, tandis que les autres seraient obligés à une recomposition pour ne pas disparaître. C'est évidemment cela qui suscite l'hostilité farouche des confédérations minoritaires comme FO, la CFTC et la CGC.
Par ailleurs, un accord ne sera désormais validé que s'il a la signature de syndicats représentant au moins 30 % des voix, pourcentage qui sera porté plus tard à 50 %. C'est sans doute la garantie pour les syndicats les plus influents qu'on ne se passera pas de leur signature. Mais ce n'est aucunement la garantie de « meilleurs accords » pour les travailleurs.
Par contre, la constitution de nouveaux syndicats, y compris CGT, dans une multitude d'entreprises où les patrons entendent que leur pouvoir absolu ne puisse être contesté par quiconque, risque de devenir plus difficile qu'aujourd'hui. Pour avoir le droit de se présenter aux élections, l'organisation syndicale devra avoir deux ans d'ancienneté. Comment ces deux ans d'ancienneté du syndicat devront-ils être prouvés, et est-ce que ce sera au niveau de l'entreprise, de la région, du pays ? Ces nouvelles règles pourraient représenter un véritable recul dans toute une série d'entreprises. Dans le contexte d'offensive patronale tous azimuts qu'on connaît aujourd'hui, bien des militants pourraient se voir privés de leurs droits syndicaux.
Cela, les dirigeants confédéraux le savent, et apparemment ils s'en moquent. Il s'agit pour les sommets de la CGT et de la CFDT d'asseoir leur statut d'interlocuteurs privilégiés du patronat et de l'État.
Sarkozy et le patronat pensent qu'ils ont tout à gagner à cette opération, et ils savent ce qu'ils font.