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Editorial
Les États au secours de la finance criminelle en faisant payer les victimes
Après plusieurs semaines de déprime, les banquiers sont contents, comme le sont tous ceux qui ont de gros capitaux à placer dans l'espoir de gros profits. Il y a de quoi ! Le gouvernement américain vient d'annoncer que l'État changera toutes les créances douteuses, tous les titres pourris détenus par les établissements financiers contre du bon argent sonnant et trébuchant.
Ces titres aujourd'hui pourris sont basés sur des crédits hypothécaires qui, pendant longtemps, ont rapporté gros. Mais l'effondrement du marché de l'immobilier américain les a entraînés dans la chute. Aujourd'hui, ils ne valent plus rien. Tous ceux qui ont spéculé sur ces titres et qui ont gagné beaucoup d'argent avec ont, cette fois, perdu. D'où les pertes plus ou moins importantes d'un grand nombre de banques et la faillite de certaines d'entre elles. D'où, surtout, la méfiance des institutions financières les unes vis-à-vis des autres, chacune soupçonnant sa semblable de détenir bien plus de titres pourris qu'elle n'en avoue. Une crise de confiance qui freine les myriades d'opérations financières entre banques et qui menace de bloquer tout le système.
Le bon sens dicterait que ceux qui ont spéculé, les actionnaires des banques et des établissements financiers, payent. Le PMU, pas plus que la loterie, ne rembourse les tickets perdants. Mais le monde de la finance n'a rien à voir avec le bon sens. Et, surtout, ceux qui jouent au casino de la spéculation financière et qui en ont les moyens, ont aussi les moyens de se faire entendre des dirigeants politiques.
Et l'État américain vient à leur secours avec pour argument qu'il faut sauver la finance pour sauver l'économie d'une grave dépression.
Cela coûtera à l'État américain, au bas mot, sept cents milliards de dollars ! C'est une somme fantastique, à peu de choses près l'équivalent de toutes les réserves détenues par la Banque centrale américaine et 40 % du budget des États-Unis. Et cela s'ajoute aux trois cent milliards dépensés récemment pour sauver de la faillite deux institutions financières et une société d'assurance.
En même temps qu'il distribue sept cents milliards aux financiers responsables de la crise actuelle, le gouvernement américain refuse catégoriquement de venir en aide aux cinq millions de familles modestes qui ont perdu dans la crise leur logement fraîchement acquis parce qu'elles n'ont pas pu payer leurs traites. De l'argent pour les criminels de la finance. Rien pour les victimes !
Et la majorité de la population américaine qui n'est pour rien dans la crise n'a pas fini d'en payer le prix. Ces sept cents milliards consacrés aux financiers, c'est autant de moins consacrés aux écoles, à la protection sociale, aux services publics, sans parler des impôts alourdis, ni de l'inflation relancée.
Et nous non plus, en France, nous n'avons pas fini de payer. Même si, faute de moyens à la même hauteur, la Banque centrale européenne ne s'est pas livrée à une mesure aussi spectaculaire en faveur des financiers, elle a déjà décaissé plusieurs dizaines de milliards d'euros pour dépanner les banques en mal de liquidités. Il n'est pas difficile de deviner que c'est toute la population qui sera appelée à participer au " sauvetage de l'économie ".
Est-ce que cela arrêtera la crise financière ? Ce n'est même pas sûr, malgré la remontée de toutes les Bourses au lendemain de l'annonce du gouvernement américain. Cette remontée témoigne seulement que la spéculation a repris de plus belle. Pourquoi se gêner si, lorsqu'on gagne, on en encaisse le bénéfice et lorsqu'on perd, l'État rembourse les pertes ?
Et qu'est-ce que cela peut rapporter à l'écrasante majorité de la population, que les Bourses repartent, que la spéculation reprenne ? Car l'économie s'enfonce dans la récession aux États-Unis comme en Europe, sans parler des pays pauvres. Les entreprises réduisent leurs effectifs, l'inflation qui s'accélère réduit le pouvoir d'achat des classes populaires. Et les licenciements dans les secteurs déjà atteints par la crise, dans l'immobilier, la construction, les banques, voire l'automobile, réduiront encore la consommation populaire et aggraveront la récession.
La classe capitaliste tentera de faire payer partout la faillite de son système économique à toute la population, à commencer par la classe ouvrière. La question qui nous est posée est la suivante : nous laisserons-nous faire ?
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 22 septembre