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Dans le monde
Vers un nouveau « Bretton Woods » ?
Face à la crise financière, bancaire, boursière, dont on voit déjà les répercussions sur la production, nombreux sont ceux qui réclament une régulation du système, même si hier ils étaient des défenseurs acharnés du « laissez faire », justifiant toutes les dérégulations des décennies précédentes. Certains réclament un nouveau « Bretton Woods », du nom de la petite station balnéaire où a eu lieu l'accord monétaire international de 1944. Ils veulent probablement dire par là qu'il faut de nouvelles règles internationales, qu'il faudrait revenir à un système monétaire stable, avec des monnaies à taux fixe, comme cela avait été mis sur pied à l'époque.
En 1944, alors que la plupart des pays engagés dans la guerre mondiale étaient ruinés, les États-Unis s'étaient, eux, renforcés et apparaissaient comme la puissance dominante. On en revenait au troc dans les échanges commerciaux entre pays, car les monnaies nationales ne valaient rien... à part le dollar. Quant à l'or, il faisait défaut dans la plupart des pays et les États-Unis possédaient à eux seuls la moitié du stock mondial.
Les accords de Bretton Woods instaurèrent un système monétaire stable, clairement défini, permettant la reprise du commerce international. En principe, les différentes monnaies étaient liées entre elles par des taux fixes. Elles étaient liées au dollar, qui lui-même était lié à l'or par une parité fixe. De fait le dollar, qui était la seule monnaie acceptée par tous, devint, à l'égal de l'or, une monnaie de réserve, stockée par les banques centrales, d'autant que les États-Unis décidèrent la convertibilité de leur monnaie en or. Le FMI, le Fonds monétaire international, fut créé comme une super-banque, prêtant de l'argent aux pays qui ne pouvaient pas régler leurs achats. Inutile de préciser que les États-Unis, principaux prêteurs et principaux créanciers, avaient une influence prépondérante au sein du FMI. Un État en difficulté ne pouvait dévaluer sa monnaie qu'avec l'accord des autres, et surtout des États-Unis.
Les accords de Bretton Woods consacrèrent ainsi la prépondérance du dollar comme colonne vertébrale du système monétaire international. Cela permit aux États-Unis de payer leurs dettes avec leur propre monnaie, de fabriquer pendant vingt-cinq ans des dollars que les autres États acceptaient au même titre que l'or, partageant ainsi leur inflation avec le monde entier.
Mais la confiance dans le dollar fut quelque peu ébranlée lorsque l'on vit les USA fabriquer en masse des dollars pour payer leur guerre au Vietnam, dans laquelle ils s'embourbaient. Les banques centrales des autres États commencèrent à réclamer de l'or à la place des dollars. Les États-Unis durent déclarer forfait et, le 15 août 1971, ils mirent fin à la convertibilité du dollar en or.
Tout le système monétaire international s'en trouva secoué. Les monnaies se mirent à flotter les unes par rapport aux autres, aggravant encore une crise économique sous-jacente qui finit par éclater en 1974-1975.
Depuis, l'économie mondiale ne s'en est pas encore relevée et s'est traînée de quasi-stagnation en récession, de crise monétaire en effondrement boursier jusqu'à la crise actuelle, plus sévère encore.
Alors, ceux qui évoquent aujourd'hui Bretton Woods regrettent sans doute le dérèglement monétaire, qui amène l'euro et le dollar à faire du yoyo et le yen à flamber, pour ne citer qu'eux. Ces soubresauts dus à la spéculation ne peuvent que s'aggraver avec la crise, et à leur tour perturber le commerce international et aggraver la crise économique. Mais les États seraient bien en peine aujourd'hui de revenir à un système monétaire stable, alors que la crise exacerbe les rivalités, chacun défendant les intérêts de sa propre bourgeoisie.
Aucune régulation ne permettra d'échapper à la crise, car c'est justement celle-ci qui sert de régulateur au système capitaliste.