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Dans les entreprises
Suicides à France Télécom : La direction et le gouvernement complices dans la course au profit
Après la tentative de suicide d'un technicien de France Télécom intervenue en pleine réunion de travail, suivie deux jours plus tard de la mort d'une employée de 32 ans qui s'est jetée par la fenêtre de son lieu de travail, la direction ne pouvait plus complètement nier ses responsabilités.
Le gouvernement s'en est mêlé. Convoquant le PDG de France Télécom Didier Lombard mardi 15 septembre, le ministre du Travail a joué au maître d'école : « Il faut que France Télécom prenne toute la mesure du problème. » Et on allait voir ce qu'on allait voir : un numéro vert pour contacter des psychologues extérieurs, le recrutement de 10 % de médecins du travail en plus (alors que plusieurs viennent de démissionner en critiquant la politique de la direction), ainsi que le renforcement des équipes de ressources humaines par « une centaine de personnes ». Mais, sur les emplois supprimés par dizaines de milliers, il n'est pas question de revenir.
Les salariés de France Télécom pourront parler tant qu'ils veulent avec des psychologues, mais il faudrait que les restructurations restent un sujet tabou ! Le ministre s'est contenté de confirmer le gel, déjà annoncé par France Télécom, des mobilités professionnelles et géographiques jusqu'au 31 octobre. Le temps, espèrent-ils, que l'émotion soit retombée. La direction avait d'ailleurs précisé qu'il ne s'agit pas d'annuler les restructurations, mais de réexaminer la façon de les mettre en oeuvre.
Cette mise en scène d'un ministre faisant la leçon à un PDG, censé écouter en baissant la tête et les bras croisés, était sans doute destinée à ceux qui croient au Père Noël puisque, c'est promis, « à la fin de l'année, on devrait être fin prêts pour repartir sur de nouvelles bases. France Télécom du mois de décembre ne sera pas France Télécom d'aujourd'hui. »
Dans la même veine et tout aussi inefficace, il y avait déjà les convocations que l'Élysée adresse périodiquement aux banquiers tout en laissant intactes leur fortune et leur puissance. Le gouvernement prétend aussi lutter contre les évadés fiscaux, alors qu'en réalité il leur offre d'échapper à la loi jusqu'au 31 décembre.
Pour en rajouter à ce palmarès déjà peu glorieux, le gouvernement brandit maintenant sa baguette magique sur la situation à France Télécom. Comme s'il n'était pas impliqué dans la politique de la direction qui a utilisé tous les moyens de pression pour aboutir, malgré la crise, à 4 milliards de bénéfices l'année dernière ! Les actionnaires privés, qui détiennent près des trois quarts du capital, n'ont quant à eux manifesté aucun signe de désespoir. L'État est là pour servir leur cause. Malgré les ventes successives d'une partie du capital de France Télécom au privé, son conseil d'administration compte encore trois représentants de l'État, qui reste le principal actionnaire avec un peu plus du quart des actions. Il peut en conséquence « déterminer l'issue du vote des actionnaires », comme le remarque le rapport annuel de la société.
Les représentants de l'État ont donc été directement associés aux plans de restructuration, baptisés successivement « Next » puis « Orange 2012 », et qui se sont traduits par la suppression de 22 000 postes en France sur 100 000 en trois ans et quelque 14 000 « mobilités internes » obtenues de gré ou de force.
Le gouvernement aurait donc parfaitement les moyens d'agir et d'arrêter immédiatement une politique aux conséquences criminelles, au lieu de s'agiter. Mais évidemment il ne le fera que contraint et forcé, sous la pression venue d'en bas, et non pas par ce « dialogue » qu'implorent les directions syndicales.